Alors,
avez-vous passé une bonne semaine ?
Une semaine qui aura commencé sous l’inévitable crachin à OSTENDE, où se réunissaient les chefs d’État et de gouvernement de huit pays riverains des mers du Nord, rejoints par le Luxembourg. L’objectif, c’est le développement en commun de la plus puissante au monde des infrastructures génératrices d’électricité en mer, grâce à la multiplication de vastes parcs d’éoliennes. Mais simplement produire de l’énergie ne suffit pas – encore faut-il que le courant passe entre les réseaux des différents pays. C’est la raison d’être de la future Île Princesse-Élisabeth (du nom de la Princesse héritière de Belgique), une construction en forme de L, s’étendant sur cinq hectares reposant sur le fond marin, et située à 45 kilomètres au large de la côte belge. Dotée d’un petit débarcadère et d’un héliport, l’île accueillera une imposante batterie de transformateurs et de redresseurs, et sera reliée par câble sous-marin au réseau européen par la Belgique et le Danemark ainsi qu’au Royaume-Uni. Ce centre distributeur contribuera, dès 2026, à réaliser l’objectif de l’Union européenne d’atteindre la production par éolienne de 300 GW à l’échéance de 2050.
Ce Sommet des mers du Nord n’a cependant pas caché la profonde préoccupation des pays participants quant au risque de sabotage par les forces spéciales d’États hostiles, compte tenu notamment de l’omniprésence dans la zone de navires-espions russes.
En matière d’énergie, le Royaume-Uni ne peut donc pas se passer de l’Union européenne ?
Effectivement, et en dépit du Brexit, du point de vue de l’interconnexion électrique, gazière, et pétrolière, LONDRES ne peut se passer du Continent. Cela dit, régulièrement, des signes à faible bruit apparaissent, qui démontrent que le gouvernement britannique n’a pas renoncé à vouloir le beurre européen, l’argent de l’UE, et le sourire d’Ursula von der LEYEN – tout en exaltant les vertus du Brexit.
Tenez, prenez un exemple tout frais de la semaine dernière. Depuis le Brexit, et malgré les lamentations des chercheurs britanniques, leur pays n’a – très logiquement – plus accès aux programmes de recherche de l’UE que sont le système de satellites Copernicus, les projets dans le nucléaire civil d’EURATOM, et – surtout – le fonds de financement Horizon-Europe, qui pèse tout-de-même plus de 95 milliards d’Euros sur sept ans.
Le compromis récent sur le commerce avec l’Irlande du Nord ayant quelque peu dégelé le climat entre LONDRES et BRUXELLES, voilà les Britanniques qui réclament de rejoindre sans tarder Horizon-Europe ; généreusement, la Commission européenne leur fait cadeau des deux années de contribution qu’ils n’ont pas acquittées pour cause de Brexit – mais LONDRES exige maintenant des compensations au titre du préjudice subi par les chercheurs britanniques. On croit rêver, mais M. SUNAK n’est pas Margaret THATCHER, et ici, on s’autorise à rire de pareilles prétentions.
Deux puissants secteurs économiques mondialisés se trouvaient simultanément dans le collimateur de la Commission européenne la semaine dernière
Oui, pas d’intention délibérée, mais un simple hasard du calendrier de travail de la Commission.
Les premiers visés sont les multinationales technologiques grand-public : les GOOGLE, APPLE, FACEBOOK, AMAZON et MICROSOFT, ce sont les plus connus, mais il y en a dix-neuf en tout actuellement, et d’autres noms comme SPOTIFY ou TELEGRAM pourraient s’y rajouter. Le critère, c’est le seuil mondial de 45 millions d’abonnés. La toute nouvelle Directive européenne sur les Services numériques impose à ces poids-lourds des contraintes en matière de responsabilité du contenu, de la libre concurrence, et de la protection de la vie privée des citoyens. Et, ici à BRUXELLES, on ne donne pas l’impression de vouloir édulcorer ces principes. Ceux qui seraient tentés de biaiser, de jouer la montre, ou de s’asseoir dessus courront le risque de se faire interdire le marché européen. C’est sûr, ça fait réfléchir.
Et l’autre secteur visé, c’est…
…celui des grandes entreprises pharmaceutiques, dont l’activité n’a fait l’objet d’aucun encadrement européen particulier depuis le début du siècle – une mise à jour, voire une remise à zéro, s’imposait donc.
L’idée, c’est d’abord d’éviter les pénuries de médicaments constatés depuis trois ans, hors-conséquences de la pandémie de COVID-19.
On constituerait pour cela des stocks de produits classés d’importance critique. Ensuite, il s’agit d’assurer un approvisionnement simultané de médicaments nouveaux dans tous les pays de l’UE (et à peu près au même tarif) : un contre-exemple typique, c’est la Pologne, où l’on paie moins cher des produits qui arrivent sur le marché jusqu’à deux ans après leurs voisins allemands. La Commission européenne y va toutefois en douceur : les entreprises européennes sont à la pointe de la recherche dans bon nombre de domaines, et il convient de ne pas trop les chagriner.
Les GAFAM et le Big Pharma la même semaine, on comprend donc facilement que, ces jours-ci à BRUXELLES, il se trouve encore plus de lobbyistes au mètre carré que d’habitude.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.