La semainière de Quentin Dickinson

La semainière de Quentin Dickinson

© Mykhaylo Markiv / The Presidential Administration of Ukraine - Wikimedia Commons La semainière de Quentin Dickinson
© Mykhaylo Markiv / The Presidential Administration of Ukraine - Wikimedia Commons

Retrouvez chaque semaine la semainière de Quentin Dickinson sur euradio. L'occasion de découvrir la diplomatie et l'actualité européenne sous un nouvel angle.

Alors, qu’avez-vous retenu de ces derniers jours, Quentin Dickinson ?...

Comme tout le monde, j’ai été estomaqué par la diatribe, aussi violente qu’infondée, que le duo TRUMP-VANCE a infligé au Président ukrainien.

Comme beaucoup d’observateurs, je tiens pour vraisemblable un scénario écrit d’avance par les trumpistes de la Maison-Blanche, dans l’objectif de nuire publiquement à la représentativité de Volodymir ZELENSKY, afin de le court-circuiter lors d’éventuelles négociations ultérieures avec le Kremlin. Sur le thème : ‘pile je gagne, face tu perds’, la ficelle était un peu grosse, et M. ZELENSKY a eu mille fois raison de ne pas élever la voix et de se borner à répéter la position de son pays, d’ailleurs rendue quasi-inaudible par les soudaines vociférations des deux Américains.

Au fond, n’était-ce pas la réduction des relations internationales au niveau d’un simple épisode de télé-réalité ?...

Qu’il y ait de sérieux moments de tension et des portes qui claquent dans les pourparlers diplomatiques, c’est inévitable, chacun s’en doute ; mais cela se passe loin des micros et caméras, lesquels, lors de cet épisode honteux, avaient obligeamment été convoqués par la porte-parole de la Maison-Blanche pour diffuser la curée en direct.

Dans le brouhaha général, j’ai tout-de-même entendu le reporteur d’une petite radio, tenue par des militants trumpistes, demander au Président ZELENSKY s’il n’était pas irrespectueux de se présenter dans le Bureau ovale, simplement habillé d’un survêtement noir.

La question paraît surréaliste, compte tenu de la tenue délibérément négligée qu’arbore Elon MUSK dans les mêmes lieux. Dans la foulée, des commentateurs britanniques ont relevé, photos à l’appui, que Winston CHURCHILL revêtait souvent et en toute circonstance la tenue militaire britannique de base de l’époque, le Battle-Dress, tout au long de la seconde guerre mondiale. On n’attend pas en effet d’un chef de guerre, qui défend son peuple contre l’envahisseur, qu’il s’attife comme une gravure de mode.

Et maintenant, simplement dit : où va-t-on ?...

Emmanuel MACRON et le Premier ministre britannique Sir Keir STARMER étaient passés à la Maison-Blanche avant l’agression verbale dont M. ZELENSKY allait être la victime ; la réunion paneuropéenne de LONDRES s’est tenue juste après. L’idée annoncée (avec une certaine circonspection), c’était de proposer aux Américains que les Européens participent à une (éventuelle) force d’interposition en Ukraine dès l’officialisation d’un cessez-le-feu – histoire aussi de se remettre dans le jeu.

Mais cela ne s’est absolument pas passé comme cela…

Non. Bien sûr, le sujet a bien été évoqué, mais les Européens présents, rejoints par le Premier ministre canadien Justin TRUDEAU et – étonnamment – par le ministre turc des Affaires étrangères, se sont essentiellement préoccupés de la meilleure façon d’assurer leur propre sécurité collective, pour le cas désormais envisageable où M. TRUMP les abandonnerait, seuls face à la menace permanente de la Russie.

Un large consensus s’est trouvé pour accroître d’importance la part des budgets nationaux consacrée à la défense au cours des prochaines années ; de même, l’idée d’une coalition de pays volontaires verrait le jour, selon la suggestion de l’hôte britannique de la réunion, une coalition qui ressemblerait en partie à la partie européenne de l’OTAN- en quelque sorte, les États, unis, de l’Europe – comprenez : les États – virgule – unis – virgule – de l’Europe.

On attend maintenant les retombées du Sommet européen de cette semaine, au cours duquel la Présidente de la Commission européenne proposera un plan de financement de cette coalition paneuropéenne.

Avez-vous retenu autre chose ?...

Effectivement. On apprenait il y a quelques heures, et de sources concordantes, qu’un groupe d’investisseurs privés américains était en négociation avec l’entreprise russe GAZPROM pour la remise en état du gazoduc Nordstream 2, afin de reprendre les livraisons de gaz russe à l’Allemagne.

Ces très discrètes conversations se tiennent depuis le retour aux affaires de Donald TRUMP (simple coïncidence, bien sûr) en Suisse (évidemment), et emmenées, côté américain, par le nommé Richard GRENFELL.

Ce nom ne vous dit rien ? Si, pourtant : c’était bien lui, l’Ambassadeur des États-Unis en poste à BERLIN en 2019, qui avait publiquement menacé des pires sanctions toute entreprise allemande qui oserait participer au projet Nordstream 2.

En rire ou en pleurer, c’est un choix.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.