Bienvenue dans cette édition de « L’Europe au plus près » où nous suivons, chaque semaine, l’actualité des différentes institutions de l’Union européenne.
En ce début d’année 2022, penchons-nous sur le travail des institutions en ce qui concerne le domaine agricole, et notamment sur certains points qui promettent de constituer des moments forts de l’actualité européenne cette année. A commencer par la révision de la directive européenne sur les pesticides.
Oui, c’est l’une des priorités affichées par la présidence française du Conseil de l’UE cette année : réviser la directive sur l’utilisation durable des pesticides, adoptée en 2009, pour que l’usage de ces produits soit davantage en accord avec le Green deal européen. On le rappelle, ce Pacte vert vise à atteindre la neutralité carbone pour le continent en 2050 et à mieux positionner l’Europe sur le front environnemental.
Cette révision doit avoir lieu en mars prochain, et elle se fera aussi dans le contexte de la mise en place de la nouvelle Politique agricole commune de l’UE.
En effet, d’un côté, la réforme de la PAC implique de réduire l’usage des pesticides, et cela même dans les produits importés depuis l’extérieur de l’Union. Mais d’un autre côté, les Européens ne peuvent pas non plus éditer des standards trop contraignants en matière de pesticides, sous peine de trop freiner les importations et donc de violer les règles de l’OMC en matière de commerce international.
Cette législation appliquée sur les denrées alimentaires importées en Europe entraîne déjà des réactions parmi les partenaires de l’UE.
Oui, en cas standards européens plus stricts, les partenaires commerciaux de l’UE devront eux-mêmes cesser d’utiliser certains pesticides. C’est pourquoi des pays comme le Kenya débattent actuellement sur des projets de loi pour interdire tous les produits agrochimiques déjà prohibés dans l’UE. Néanmoins, selon l’Institut de recherche Tegemeo cette interdiction entraînerait la perte de plus d’un milliard d’euros de récolte, puisque les invasions régulières d’insectes dans ce pays, notamment de criquets, ne seront plus freinées par ces produits.
Autre sujet qui marquera les travaux des Européens en matière d’agriculture et d’environnement cette année : le processus de renouvellement du glyphosate. Cette substance utilisée comme herbicide en Europe ne fait pas partie de la liste des pesticides interdits que nous évoquions plus tôt. Pourtant son statut va lui aussi être rediscuté cette année.
Effectivement, ce produit est commercialisé depuis bientôt 50 ans, mais il est aussi controversé en raison des risques qu’il représente pour la biodiversité et la santé humaine. En 2021, l’Agence des Nations unies de recherche contre le cancer a même classé le glyphosate comme “cancérigène probable”. Mais d’un autre côté, les Européens n’ont pas encore accès à des alternatives compétitives au glyphosate, ce qui les rend réticents à renoncer à son usage.
En attendant, en 2017 ce produit a été temporairement ré-autorisé par les Etats-membres de l’UE pour une durée de cinq ans. Cette année les Etats-membres de l’UE vont donc devoir à nouveau négocier son interdiction ou son prolongement pour une autre période de cinq ans. Peut-on s’attendre à voir se débloquer ce dossier du glyphosate ?
Difficile à dire. Le 4 janvier dernier, le président français Emmanuel Macron a renouvelé son intention d’interdire le glyphosate. Il l’avait déjà promis en 2017, sans suite. Il a affirmé vouloir je cite “traiter le sujet au niveau européen” à l’occasion de la présidence française du Conseil de l’UE. Ce Conseil sera d’ailleurs présidé par le ministre de l’agriculture français Julien Denormandie le 17 janvier prochain. Ce dernier a déclaré vouloir réduire de 50% l’utilisation du glyphosate, mais sans proposer de calendrier pour l’instant.
D’autres acteurs européens s’opposent à ce projet. C’est le cas de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) mais également de plusieurs Etats-membres notamment les Pays-Bas, la Hongrie et la Suède.
Oui, ces pays sont en charge de l’évaluation de la toxicité du glyphosate. Ils ont conclu en juin 2021 que l’herbicide “répondait aux critères d’approbation” européens en mettant en avant différentes évaluations. Des évaluations qui se feraient pourtant de manière opaque selon de nombreuses associations de protection de la santé et de l’environnement en Europe. Le 16 novembre dernier, l’association Générations Futures publiait ainsi un rapport montrant que des milliers d’études scientifiques traitant du glyphosate ont été jugées “non-pertinentes” et qu’au final seule une trentaine d’études “fiables” ont servi à l’évaluation de la toxicité du produit.
Enfin, l’agriculture européenne va devoir s’adapter cette année à un autre défi : le Brexit. Il y a un an tout juste, le 1er janvier 2021 marquait la sortie de la Grande Bretagne du marché unique européen. Désormais, à partir de 2022 le ministère britannique des recettes et des douanes demande que toutes les marchandises entrant au Royaume-Uni soient “préavisées”. De quoi s’agit-il Laura ?
Oui Ulrich, les entreprises européennes exportant vers le Royaume-Uni devront non seulement payer des “frais de circulation transfrontalière” mais aussi prouver à l’aide de certificats que leurs produits sont autorisés à entrer sur le territoire britannique.
Ces procédures administratives lourdes risquent d’impacter le commerce entre le Royaume-Uni et le continent européen.
En effet, le vice-président de la Fédération britannique des petites entreprises Martin McTague a déclaré que ces contrôles sont “susceptibles de provoquer des perturbations importantes” pour le commerce. Au sein de l’Union européenne, ce sont les exportateurs de vin qui ont eux aussi publié une critique similaire. Les contrôles renforcés sur les marchandises pourraient notamment générer des retards dans les chaînes d’approvisionnement, un problème encore plus grave lorsqu’il s’agit de produits frais.
Tout cela, dans le contexte de la pandémie et alors que le Royaume-Uni souffre déjà de pénuries de marchandises et de main-d'œuvre.
Oui et cette complication du commerce agricole ne va pas arranger ces pénuries et cette hausse des prix, actuellement très forte au Royaume-Uni et en Europe. Enfin, malgré cette conjoncture économique difficile, les discussions sur les contrôles douaniers liés au Brexit vont devoir reprendre d’ici à juillet, notamment en ce qui concerne la frontière douanière entre l’Irlande du Nord et la Grande-Bretagne.
Laura Léger - Ulrich Huygevelde