Chaque vendredi, l'équipe d'euradio à Bruxelles décrypte l'actualité et le travail d'une institution européenne.
Au programme :
- Les dernières projections d’Europe Elect à l'approche du scrutin européen.
- Une série de déclarations en faveur d’un durcissement de la politique migratoire européenne.
- La chute des partis écologistes dans les sondages.
Bonjour, ouvrons ce journal en évoquant les dernières projections d’Europe Elect alors que s’est ouvert jeudi 6 juin le scrutin européen aux Pays-Bas.
Il
semble clair qu’à l'issue du scrutin dimanche 9 juin, on devrait
assister à une recomposition du Parlement européen autour du bloc de
droite. En cause : une percée attendue des forces souverainistes - voire
eurosceptiques. Dans quatre des six pays fondateurs de l’UE, l'extrême droite caracole en tête des intentions de vote.
A noter que l'extrême droite est divisée au parlement européen
D’une part, le groupe des Conservateurs et réformistes européens (CRE) auquel appartient la Première ministre italienne, Giorgia Meloni devrait obtenir 79 sièges - soit 11 de plus qu'à l'heure actuelle. D’autre part, Identité et démocratie - groupe au sein duquel siège notamment le Rassemblement National, obtiendrait quant à lui 69 eurodéputés, malgré l’exclusion du parti Allemand AfD, suite à une série de scandales.
Alors ce bloc national-populiste divisé, pourrait-il s’unir après les élections ?
C’est en effet ce qu’appelle de ses vœux le Premier ministre populiste hongrois Viktor Orban, dont le pays assumera la présidence tournante du Conseil de l’UE le 1er juillet. «L'avenir de la droite en Europe repose entre les mains de deux femmes : Giorgia Meloni et Marine Le Pen» déclarait-il dans une interview pour le journal français Le Point le 29 mai dernier. Objectif : “ supplanter le Parti populaire européen”, (PPE) actuellement première force au Parlement et crédité de 178 sièges.
Mais cette alliance a peu de chances de voir le jour au vu des profondes divergences des deux groupes, notamment sur les questions géopolitiques et les relations avec les États-Unis et la Russie.
Oui, malgré les multiples mains tendues de Marine Le Pen vers Giorgia Meloni, cette dernière reste réticente. La Première ministre italienne privilégie un rapprochement avec le PPE, suite logique de la stratégie de normalisation de son parti post-fasciste Fratelli d’Italia.
Et, que peut-on attendre de la posture du bloc pro-européen à Bruxelles face à la pression de l’extrême droite sur l’agenda politique des 5 prochaines années ?
Depuis plusieurs mois, des voix s’élèvent en faveur d’une coalition PPE - CRE. Ce rapprochement à d’ailleurs déjà commencé lors de la mandature qui se termine, notamment sur les sujets environnementaux et agricoles. Toutefois, si des accords peuvent ponctuellement continuer à être trouvés pour certains textes, les trois forces pro-européennes - PPE, les sociaux-démocrates et les libéraux du groupe Renew - ont déclaré qu’ils tenteront de maintenir la coalition actuelle.
Poursuivons notre tour de l’actualité en évoquant une série de déclarations cette semaine en faveur d’un durcissement de la politique migratoire européenne, reflet du discours d'extrême droite qui monte actuellement en Europe.
Cette dernière ligne droite avant le scrutin européen a été l’occasion pour les partis d’extrême droite de remettre sur la table des négociations le Pacte d’asile et immigration, exhortant l’UE à aller plus loin.Pour rappel, ce nouveau cadre législatif, adopté définitivement le 14 mai, prévoit une procédure de filtrage de l’immigration aux frontières extérieures de l’UE.
De son côté, Giorgia Meloni, indique avoir trouvé une solution structurelle : externaliser les demandes d’asiles en multipliant les accords avec les pays tiers.
C’est ce qu’elle a rappelé mercredi 5 juin alors qu’elle rencontrait son homologue albanais, Edi Rama pour acter la mise en œuvre d’un accord bilatéral destiné à freiner l’immigration. Accord qui prévoit l’instauration de centres d'accueil et de détention sur le sol albanais afin de filtrer les arrivées vers l’Italie. Pour rappel, depuis son arrivée au pouvoir en 2022, Giorgia Meloni n’a cessé de faire pression pour la mise en place d’une série d'accords migratoires entre l’UE et des pays tiers - tels que la Turquie, la Tunisie ou l’Égypte. Elle a d’ailleurs reçu le soutien de 15 États membres, qui, en avril, appelaient la Commission à faire de cet accord un modèle reproductible au niveau européen.
Et l’extrême droite gagne du terrain, y compris dans les pays dominés longtemps par la gauche.
En témoigne la déclaration du président portugais Marcelo Rebelo de Sousa qui dénonçait, je cite l’effet “boule de neige” de l’immigration, mardi 4 juin. Sous la pression du parti d'extrême droite Chega en pleine ascension, la coalition gouvernementale de droite a décidé à son tour de serrer la vis sur le plan migratoire. Objectif : mettre fin au régime actuel - l’un des plus ouverts en matière d’immigration en Europe.
Concluons notre tour de l’actualité en mentionnant la chute des partis écologistes dans les sondages, 5 ans après un scrutin marqué par une “vague verte”.
Tout à fait, l'alliance des Verts - actuellement 4e force politique au Parlement - devrait perdre près de 17 sièges, n’obtenant que 55 eurodéputés. En 2019, pourtant, le quasi-consensus qui prédominait sur les questions écologiques avait permis l’adoption d’un arsenal législatif solide autour du Pacte vert, un programme ambitieux vise la neutralité carbone sur le continent, d’ici à 2050.
Le contexte géopolitique et la fronde des agriculteurs ces derniers mois semblent avoir relégué l’écologie à l'arrière-plan.
Instrumentalisés et invisibilisés, les enjeux climatiques sont les grands absents de la campagne électorale. En témoigne la “pause réglementaire européenne » en matière environnementale, qu’appelait de ses vœux le président français Emmanuel Macron en mai 2023, soutenu notamment par le Premier ministre belge Alexander De Croo. Et c’est en France et en Allemagne que les partis écologistes qui avaient le vent en poupe en 2019 accusent le recul le plus significatif. Les écologistes en France sont crédités à à peine plus de 5%, alors qu’ils avaient obtenu 13,5% des voix 5 ans plus tôt.
Un journal d'Alizée Lambin et Paloma Biessy