Chaque vendredi, l'équipe d'euradio à Bruxelles décrypte l'actualité et le travail d'une institution européenne.
Au programme :
- Discussions tendues autour d'une révision immédiate de l’accord d’association UE-Israël.
- Énième blocage de la Hongrie sur l’aide européenne à l’Ukraine.
- La Commission européenne abandonne définitivement toute procédure à l’égard de la Pologne pour "violations graves".
Bonjour Alizée, démarrons ce journal en évoquant un climat politique tendu entre les pays membres de l'Union européenne. Et cause de ces tensions : la question des potentielles sanctions économiques à l’encontre d’Israël.
À moins de dix jours du prochain scrutin européen, ce dossier brûlant qui avait déjà divisé le bloc des 27 en mars dernier revient sur le devant de la scène. En réaction aux récentes exactions meurtrières de l’armée israélienne sur la population gazaouie à l’ouest de la ville de Rafah en début de semaine, près de 195 ONG européennes et plusieurs eurodéputés majoritairement issus de la gauche demandent à la Commission européenne une révision immédiate de l’accord d’association UE-Israël.
Une demande déjà formulée mi-février par Pedro Sanchez et Leo Varadkar, les ministres espagnols et irlandais, mais à laquelle la Commission n’a toujours pas répondu.
Que poursuit exactement cet accord ?
Initialement conçu pour soutenir le processus de paix dans la foulée des accords d'Oslo de 1993 , l’accord d’association UE-Israël signé en 1995 prévoit non seulement un dialogue politique, mais surtout, une libéralisation des échanges commerciaux entre Bruxelles et l’État hébreux. Un accord central pour l’économie israélienne puisque près d'un tiers des produits importés dans le pays provient de l'UE, son premier partenaire commercial.
Plusieurs figures politiques se sont exprimées ces derniers jours, appelant cette fois à la suspension de ce traité.
À l’image de la tête de liste de gauche pour le parti Place publique, Raphaël Glucksmann, qui pointe du doigt le non-respect par l’État hébreu du volet droitdelhommiste de ce traité. Pour rappel, l’article 2 du texte précise que les relations des Européens avec Israël se fondent sur, je cite : “ le respect des droits de l’homme et des principes démocratiques”.
Néanmoins, l’absence d'une position commune rend la révision de l'accord peu probable.
Polarisé, il apparaît très compliqué pour le bloc des 27 de s’aligner unanimement sur cette question. Alors que des pays comme l’Allemagne, la Hongrie et la République tchèque s’opposent fermement à la révision de cet accord, la Norvège, l’Espagne et l’Irlande viennent de reconnaître l’existence d’un État palestinien. Une décision qu’a immédiatement condamnée Israël.
Poursuivons ce journal en abordant un énième blocage de la Hongrie sur l’aide européenne à l’Ukraine.
Les ministres des 27 étaient réunis lundi 27 mai à Bruxelles pour discuter de la nouvelle aide de 5 milliards d’euros décidée en mars 2024 dans le cadre de la Facilité européenne pour la paix. Un fonds destiné à financer l’envoi d'armes à Kiev et former les soldats ukrainiens, mais qui fait l’objet d’un nouveau blocage de la part de la Hongrie, qui pour rappel bénéficie d’un droit de véto pour ce type de décisions.
C'est loin d'être la première fois que Budapest impose son veto concernant l’aide à l’Ukraine. À Bruxelles, une certaine exaspération commence à se faire sentir parmi les 27.En effet, depuis plus d’un an, l’eurosceptique Viktor Orban mène une politique d'obstruction délibérée à l’égard de l’aide à l’Ukraine. Ce proche de Vladimir Poutine avait par exemple menacé d'utiliser son véto au moment de l'ouverture des négociations d'adhésion de Kiev à l'UE. Le ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis souligne qu’« environ 41 % des résolutions de l’UE sur l’Ukraine ont été bloquées par la Hongrie ».
Ce blocage quasi permanent inquiète de plus en plus à Bruxelles à l’approche du 1er juillet 2024, date à laquelle, la Hongrie remplacera la Belgique pour la présidence tournante du Conseil de l’UE.
Alors que ce rôle a été pensé pour faire avancer les travaux législatifs de l’UE et susciter le compromis entre les 27, beaucoup d'observateurs craignent que le régime, régulièrement en froid avec Bruxelles -n’entrave la prise de décision de la future législature.
Concluons ce tour de l’actualité en évoquant l’annonce officielle de la Commission européenne d'abandonner définitivement toute procédure à l’égard de la Pologne. Une procédure qui risquait de lui faire perdre son droit de vote au Conseil de l’UE.
Pour rappel, une procédure inédite avait été engagée en 2017 dans le cadre de l’article 7 du traité sur l’UE qui permet de sanctionner un État membre en cas de “violation grave” de l’état de droit. En cause : une série de réformes mises en place par l’ancien gouvernement du parti nationaliste Droit et Justice, le PiS, qui menaçait l’indépendance des juges polonais. Mercredi 29 mai, après 6 ans d’observation, la Commission a donc déclaré qu’elle considérait que le risque était, à ce jour, écarté.
Et pour le gouvernement pro-européen de Donald Tusk au pouvoir depuis 2023, la décision de la Commission récompense des mois d’efforts pour rétablir l’état de droit en Pologne.
Effectivement, Varsovie a mis en place une série de mesures pour répondre aux préoccupations de Bruxelles et réchauffer les relations. Le pays a notamment reconnu la primauté du droit communautaire de l’UE. Il a également engagé le “Plan Bodnar”, une série de lois qui restaure l’encadrement de la justice et qui s’aligne sur les standards européens.À noter que le régime illibéral hongrois est quant à lui toujours sous le coup de l'article 7, engagé cette fois-ci par le Parlement européen en 2018. La Grèce et la Slovaquie sont également sous la vigilance de Bruxelles qui a exprimé à plusieurs reprises son inquiétude quant au recul de l’état de droit dans les 2 pays.
Un journal d'Alizée Lambin et Paloma Biessy