Échos d'Europe

La situation des personnes LGBT+ en Pologne

© Wikimedia Commons - Andrew J.Kurbiko La situation des personnes LGBT+ en Pologne
© Wikimedia Commons - Andrew J.Kurbiko

Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.

Confrontations Europe a publié un article de Marek Szolc, qui traite de la situation des personnes LGBT+ en Pologne. Face à la lenteur des avancées en matière de droits pour cette minorité, il est nécessaire de mieux comprendre les raisons qui empêchent leur respect effectif.

Quelle est la situation des personnes se revendiquant LGBT+ en Pologne ? Quel est le contexte des avancées en matière de droits LGBT+ ?

Aujourd’hui, sur une population totale de 37 millions d’habitants, on estime que 2 millions de personnes s’identifient comme LGBT+, soit plus de 5,4 % de la population polonaise. En outre, environ 50 000 enfants en Pologne seraient élevés par des couples de même sexe.

Cependant, depuis la chute du régime communiste en 1989, la question des droits LGBT+ a longtemps été marginalisée dans le débat public. La classe politique, majoritairement réticente à aborder ce sujet, reflétait à la fois une faible adhésion des électeurs aux droits LGBT+, un conservatisme politique plus marqué que celui de la société et l’influence omniprésente de l’Église catholique, ouvertement homophobe, dans la sphère sociale.

Pouvez-vous nous éclairer davantage sur la classe politique qui était encore au pouvoir récemment, le parti Droit et Justice ? A quel point est-il dangereux pour la communauté LGBT+ ?

Le retour au pouvoir du parti populiste de droite Droit et Justice (PiS), ouvertement homophobe et transphobe, s’est illustrée dès l’élection d’Andrzej Duda à la présidence en mai 2015, réélu en juillet 2020.

La situation de la communauté LGBT+ en Pologne s’est nettement détériorée à partir de 2019. Le parti PiS, soutenu par les médias publics (sous son contrôle direct) et par des organes de presse d’extrême droite financés par des entreprises d’État, a ciblé la communauté LGBT+ dans son discours politique. Ces campagnes discriminatoires, accompagnées d’actions politiques et juridiques, ont eu des conséquences dramatiques sur la sécurité, les droits, le statut social et la qualité de vie de nombreuses personnes LGBT+ en Pologne.

Toutefois, un changement politique est survenu en décembre 2023, avec l’arrivée au pouvoir d’un nouveau gouvernement dirigé par Donald Tusk, à la tête d’une coalition allant de la gauche progressiste aux conservateurs modérés.

Pour illustrer le statut actuel des différents droits LGBT+ en Pologne, pouvez-vous donner des exemples concrets ?

Malheureusement, il n’existe aucune loi anti-discrimination concernant l’accès aux biens et services. En juin 2019, le Tribunal constitutionnel, sous contrôle politique, a abrogé une disposition interdisant le refus de fournir des biens ou services, la jugeant inconstitutionnelle. Le Code pénal polonais ne contient aucune disposition contre les discours de haine fondés sur l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Par ailleurs, la Constitution polonaise définit le mariage comme l’union entre un homme et une femme, interdisant ainsi le mariage homosexuel. Les partenariats civils entre personnes de même sexe ne sont pas reconnus non plus.

En matière d’adoption, les couples de même sexe ne bénéficient pas des mêmes droits que les couples hétérosexuels. Ces derniers sont autorisés à adopter, contrairement aux couples de même sexe, pour qui l’adoption reste interdite. Par ailleurs, l’adoption de l’enfant du ou de la partenaire (adoption intrafamiliale) n’est pas reconnue pour les couples de même sexe.

Le gouvernement actuel de Donald Tusk a-t-il engagé des mesures pour améliorer la situation juridique des personnes LGBT+ ?

Oui. La ministre de l’Égalité, Katarzyna Kotula, du parti Nouvelle Gauche, a commencé à travailler sur le sujet en déposant un projet de loi sur les partenariats civils, soumis à consultation publique en octobre 2024. Par ailleurs, des amendements au Code pénal visant à étendre la protection contre les crimes de haine aux personnes LGBT+ ont également été proposés et devraient être soumis au Parlement dans les mois à venir.

Néanmoins, le dépôt de projets de loi ne garantit pas leur adoption : certains partis et députés de la coalition gouvernementale ont déjà exprimé leur opposition. Malgré l’arrivée d’un gouvernement plus libéral, la coalition dirigée par Donald Tusk reste historiquement peu favorable aux droits LGBT+. Elle manifeste peu de soutien public à cette cause et n’exerce pas de pression significative sur ses partenaires pour faire avancer les droits LGBT+.

En conséquence, la situation de la communauté LGBT+ demeure fragile, avec peu de changements concrets à ce jour.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.