Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.
Confrontations Europe a publié un article de Sandra Kramer, ambassadrice de l’Union européenne en République d’Afrique du Sud. Dans son texte consacré au 8ᵉ sommet UE-Afrique du Sud, elle propose une lecture éclairante du rôle que joue ce partenariat dans la stratégie globale de l’Union européenne. Ce sommet, tenu en mars 2025, révèle une vision claire : pour faire face aux bouleversements géopolitiques actuels, l’Union européenne renforce ses liens avec des partenaires stratégiques du Sud global. L’Afrique du Sud y apparaît non seulement comme un partenaire économique majeur, mais aussi comme un allié politique et environnemental.
Comment ce partenariat avec l’Afrique du Sud s’inscrit-il dans le renforcement de l’autonomie stratégique de l’Union européenne ?
La notion d’autonomie stratégique est centrale dans la politique extérieure de l’Union européenne depuis plusieurs années. Pour Sandra Kramer, il est clair que le partenariat avec l’Afrique du Sud vise à réduire les dépendances économiques, technologiques et énergétiques de l’Europe vis-à-vis d’acteurs peu fiables sur la scène internationale.
Concrètement, l’UE cherche à diversifier ses chaînes d’approvisionnement dans des secteurs critiques, comme les minéraux stratégiques, les technologies vertes ou la production de vaccins. L’Afrique du Sud, dotée de ressources naturelles clés et d’une industrie manufacturière en développement, représente une alternative crédible et alignée sur les standards européens. Le programme d’investissement Global Gateway, doté de 4,7 milliards d’euros, illustre cette volonté : il ne s’agit pas seulement d’aide au développement, mais de co-construction économique, bénéfique aux deux parties.
En somme, l’autonomie stratégique de l’UE ne se conçoit pas en isolement, mais à travers des alliances solides avec des pays avec lesquels elle partage des valeurs fondamentales. C’est le cas ici.
En quoi ce partenariat contribue-t-il à la politique de développement durable de l’UE ?
Il est profondément ancré dans une vision de développement durable, qui combine croissance économique, inclusion sociale et transition écologique. L’UE soutient activement la transition énergétique juste en Afrique du Sud, c’est-à-dire une transition qui crée de l’emploi, valorise les compétences locales, et respecte les normes environnementales.
Il comprend plusieurs axes : investissements dans l’hydrogène vert, renforcement de la logistique propre, soutien à la production de batteries pour véhicules électriques, et amélioration de la chaine de valeur pharmaceutique. L’UE ne cherche pas seulement à verdir ses importations, mais aussi à stimuler un modèle industriel durable en Afrique du Sud.
Cela correspond parfaitement aux objectifs du Pacte vert pour l’Europe, qui vise une neutralité carbone d’ici 2050. L’UE souhaite entraîner ses partenaires dans cette trajectoire globale. Ici, elle le fait sans imposer un modèle : elle co-investit, partage les normes et soutient l’autonomie économique locale.
Quelle place l’Union européenne donne-t-elle à l’Afrique du Sud dans la gouvernance mondiale ?
L’UE reconnaît pleinement le rôle géopolitique croissant de l’Afrique du Sud. Le sommet 2025 a lieu alors que ce pays assure la présidence du G20, une première pour un pays africain. L’UE accompagne activement cette présidence, partage ses priorités de solidarité et de durabilité, et renforce la coordination multilatérale.
Au-delà du G20, l’UE soutient le leadership de l’Afrique du Sud au sein de l’Union africaine, notamment à travers le dialogue UA-UE.
L’ambition est claire : construire avec l’Afrique du Sud une gouvernance mondiale multipolaire, plus équitable, plus durable, et fondée sur des règles partagées.
Ce sommet entre l’Union européenne et l’Afrique du Sud est bien plus qu’une rencontre diplomatique. Il s’agit d’un tournant stratégique, révélateur des ambitions de l’UE dans le monde de demain. Autonomie, durabilité, et partenariat équitable : ce sont les piliers sur lesquels l’Europe entend construire ses alliances. Et l’Afrique du Sud, par sa position, ses ressources et ses engagements, en est aujourd’hui un partenaire essentiel.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.