Échos d'Europe

Ce que la perception des Français dit de notre rapport collectif au numérique et à l’IA

Photo de Alex Knight sur Unsplash Ce que la perception des Français dit de notre rapport collectif au numérique et à l’IA
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Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.

Confrontations a publié une étude Harris Interactive sur la perception du numérique et de l’IA par les Français, présenté le mois dernier au Parlement européen grâce au parrainage de Valérie Hayer, présidente du groupe Renew Europe. Farah Bencheliha et Bathscheba Macé, avocates expertes du numérique, l’ont analysée dans un article que Michel Derdevet, président du think tank nous détaille.

Qu’est-ce que l’enquête révèle sur la perception globale des Français vis-à-vis du numérique d’une part, et de l’intelligence artificielle d’autre part ?

Concernant le numérique, l’image est très positive : 80 % des Français estiment qu’il a un impact positif sur les entreprises et 63 % disent qu’il a un impact positif sur la société dans son ensemble. Le numérique est donc perçu comme un vecteur de modernisation.

Pour l’IA, l’enthousiasme est plus mesuré : 60 % des Français pensent qu’elle pourrait avoir des effets positifs pour les entreprises, mais seulement 47 % projettent des impacts positifs pour la société.

Il y a aussi une proportion importante de personnes sans opinion : un Français sur sept ne parvient pas à se prononcer sur l’effet de l’IA sur leur vie. Cette hésitation en dit long : l’IA suscite la fascination, mais aussi la prudence.

Quelles sont les raisons de cette ambivalence ? L’article parle d’une « fracture cognitive », qu’est-ce que ça signifie ?

L’étude met en lumière le fait que la division dans les perceptions ne se réduit pas à un simple clivage générationnel ou socio-économique. Ce n’est pas juste « jeune contre vieux » ou « riche contre pauvre » : c’est surtout une question de compréhension.

D’abord, le niveau de diplôme joue un rôle : les moins diplômés projettent davantage de risques sur l’IA, notamment la peur du remplacement d’emplois ou des effets sociaux négatifs.

Ensuite, l’usage concret change tout : parmi ceux qui utilisent déjà des technologies d’IA de façon régulière, 89 % en voient un bénéfice pour les entreprises et 82 % pour la société. À l’inverse, chez les non-utilisateurs, seulement 42 % jugent l’IA positive pour les entreprises, et 60 % la perçoivent comme négative pour la société. Donc, l’expérience directe avec l’IA nourrit la confiance et la compréhension, et à l’inverse, l’absence d’usage favorise l’inquiétude.

Au-delà de la perception, quelles attentes les Français expriment-ils concrètement ?

Ils ont d’abord des attentes en termes de formation. 70 % des sondés veulent des modules IA dans la formation professionnelle et 53 % pensent que l’IA devrait être enseignée dès l’école. En ce qui concerne les compétences que les politiques publiques devraient encourager, les priorités sont l’usage responsable, l’esprit critique, la culture générale de l’IA, et des compétences numériques de base. En bref, les Français ne veulent pas juste savoir utiliser l’IA, ils veulent comprendre ses mécanismes, ses limites et ses enjeux.

L’article souligne aussi que la formation ne doit pas être pensée comme une démarche individuelle, mais comme un levier collectif : pour que les citoyens puissent maîtriser l’IA, il faut des efforts structurels de formation.

Ensuite, il y a une demande considérable pour une régulation efficace. 52 % des répondants considèrent que le développement de l’IA est un enjeu majeur pour l’Union européenne, mais à condition d’avoir une régulation stricte. Sur l’échelle de la régulation, 41 % jugent que l’échelon européen est le plus pertinent, devant le national ou le mondial. Cela montre une confiance dans l’Europe comme cadre régulateur, notamment parce que les problématiques du numérique sont transfrontalières.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.