Échos d'Europe

Emploi des 50 ans et plus : le « vieux » continent n’a pas dit son dernier mot

Photo de Matt Bennett sur Unsplash Emploi des 50 ans et plus : le « vieux » continent n’a pas dit son dernier mot
Photo de Matt Bennett sur Unsplash

Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe revient dans cette chronique hebdomadaire sur les dernières publications de son organisation, notamment de sa revue semestrielle. Énergie, numérique, finances, gouvernance européenne, géopolitique, social, les sujets d'analyse sont traités par des experts européens de tout le continent dont le travail est présenté par Michel Derdevet.

Confrontations Europe a publié un article abordant un sujet social et sociétal important pour l’avenir de l’Europe : le vieillissement de la population et le taux d’emploi des seniors. Il a été écrit par Christel Clamouse, CEO de Ripple Digital, une plateforme numérique consacrée aux ressources humaines. L’autrice évoque la nécessité d’encourager l’emploi des seniors, tranche de la population croissante sur le marché du travail mais qui se sent poussée vers la sortie.

Pourquoi la question de l’emploi des seniors européens est-elle indéniablement d’actualité ?

L’Europe doit être confrontée à ses réalités. Aujourd'hui, notre continent voit sa population vieillir, atteignant un âge médian de 42,7 ans, alors que le taux d’emploi des seniors reste faible et surtout inégalement réparti entre les pays.

La population vieillit, mais le monde du travail continue d’évoluer au fil des innovations technologiques nécessaires à l’intelligence artificielle, l’automatisation et la transition écologique. Ces transformations bouleversent les logiques professionnelles traditionnelles, les chaînes de valeurs et les fonctionnements économiques des employeurs, et peuvent pénaliser les seniors qui perdent leurs repères et potentiellement leur capacité d’adaptation.

Au-delà des environnements professionnels changeants, le travail voit les compétences nécessaires évoluer à grande vitesse. Alors que l’OCDE chiffrait la durée de vie moyenne d’une compétence technique de 30 ans en 1987, celles-ci ne durent que 2 ans aujourd’hui. Les environnements professionnels changent, mais c’est aussi le cas des compétences nécessaires à l’intérieur de ceux-ci, les mêmes qui ont sûrement rythmé l’entièreté des carrières des seniors actuellement en poste.

Si les Etats européens ont plus ou moins tous repoussé l’âge de départ à la retraite depuis 2010, le taux d’emploi des seniors n’a t-il pas augmenté par la même occasion ?

Mécaniquement oui, le report de l’âge à la retraite augmente la proportion de seniors employés, mais cela ne signifie pas que tous sont en capacité ou en volonté d’être dans cette situation en fin de carrière. Aujourd’hui, seuls 65,2 % des 55-64 ans sont en emploi dans l’Union Européenne, avec des écarts entre pays allant de 48 % en Roumanie à 78 % en Suède. La propension des seniors à être employés au-delà de 55 ans dépend surtout des investissements nationaux dans l'aide à l'emploi et à la reconversion des personnes en recherche de travail.

C’est en réalité le prisme économique qui motive ces réformes sur les retraites dans l’Union européenne. On parle beaucoup plus de report de l’âge de départ, ou d'allongement de la durée de cotisation que d'aide à l'insertion professionnelle ou à la formation pour les seniors.

Un souci majeur dans notre perception du débat sur les retraites est le manque de distinction entre âge légal de départ et âge réel. Si aujourd’hui, en France, l’âge de départ à la retraite passe de 62 à 64 ans, cela ne signifie pas que la majorité des seniors sortiront du monde professionnel à 64 ans, ni même qu'ils n’en sortent aujourd’hui à 62 ans. Il est nécessaire de croiser le prisme économique à un prisme social, prenant en considération les difficultés de l’accès à l’emploi pour les seniors.

Quels actions concrètes l’Europe peut-elle engager pour valoriser ses seniors sur le marché du travail ?

L’Europe doit engager un dialogue incluant ses Etats membres, ses entreprises et partenaires sociaux afin de dessiner un schéma clair destiné à l’emploi de ses seniors, clés pour la préservation de la compétitivité européenne. Christel Clamouse imagine une « Convention européenne sur l’emploi des seniors », organisée par le Conseil économique et social européen, afin d’accélérer la rencontre, la discussion et la décision sur ce sujet.

Parallèlement, il est nécessaire de lutter contre les stéréotypes liés à l’âge, ainsi que de promouvoir le transfert générationnel de savoir et de compétences, afin de valoriser l’expérience professionnelle des seniors, non négligeable dans la compréhension du monde du travail et de ses contours. Il sera également nécessaire de promouvoir la formation tout au long de la vie, et de rendre celle-ci accessible aux seniors afin de leur permettre de s’adapter aux technologies intégrant leur mode de travail.

Enfin, en complément de ces potentielles mesures pour faciliter l’accès à l’emploi pour les seniors, c’est toute la culture managériale qui doit être repensée, afin de joindre les politiques sociales à la réalité démographique.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.