Les femmes ou les "oublis" de l'Histoire

Katherine JOHNSON

© Teamcolibri.org Katherine JOHNSON
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Avec sa chronique Les femmes ou les "oublis" de l'Histoire, Juliette Raynaud explore "les silences de l'Histoire" (Michelle Perrot) et nous invite à (re)découvrir notre matrimoine oublié, une histoire après l'autre...

Vous connaissez Katherine Johnson ?

Mathématicienne à la NASA pendant plus de 30 ans, elle développa des équations cruciales encore utilisées dans la science aérospatiale contemporaine. Elle calcula les trajectoires qui permirent à des hommes de voler en orbite et d’aller sur la lune.

Katherine naît en 1918 à White Suphur Springs, en Virginie Occidentale. A 13 ans, elle intègre l’Université de Virginie-Occidentale et commence à militer pour l’égalité et la reconnaissance avec l’Alpha Kappa Alpha, un collectif de femmes afro-américaines. A 18 ans, elle obtient une double licence de mathématiques et de français et débute sa carrière comme enseignante dans le public.

C’est au début des années 1950, en pleine ségrégation raciale, qu’elle intègre le centre de recherche en aéronautique de Langley dépendant du National Advisory Committee for Aeronautics (NACA).

L’aviation à réaction étant en plein développement, on a un besoin urgent de spécialistes, notamment en mathématiques. Le travail de cette équipe composée de mathématiciennes noires (« colored computer ») consiste à effectuer manuellement des calculs complexes pour les ingénieurs (blancs), les ordinateurs n’étant pas encore suffisamment fiables.

Pendant 4 ans, elle analyse des données de vol.

En 1957, l’Union Soviétique lance en orbite le premier satellite artificiel de l’Histoire : Spoutnik. En pleine guerre froide, l’URSS creuse l’écart avec les Etats-Unis dans la course à la conquête de l’espace. Pour les Etats-Unis, c’est le choc. Le président Eisenhower crée, en juillet 1958, la NASA, une agence spatiale qui regroupe de nombreux laboratoires ou organismes tels que le centre de Langley.

Alors que la NASA reçoit comme principale mission d’engager les premiers vols habités américains, l’équipe où se trouve Katherine Johnson étudie les trajectoires que devront prendre les vaisseaux spatiaux. Le « Space Task Group » est composé d’hommes blancs. Elle s’impose grâce à ses connaissances en géométrie analytique et sa détermination. En 1960, elle co-écrit un rapport posant les équations qui décrivent la trajectoire d’un vol spatial orbital. C’est la première fois qu’une femme est créditée comme autrice d’un rapport de recherche. 26 rapports de recherche suivront.

Début 1962, tandis que l’astronaute John Glenn se prépare à accomplir le premier vol orbital américain, il demande à Katherine Johnson de vérifier l’ensemble des calculs : « Que cette femme vérifie les chiffres. Si elle décrète qu’ils sont justes, je suis prêt à y aller ».

John Glenn devient un héros de l’Amérique. Katherine Johnson obtient quelques lignes de reconnaissance dans une partie de la presse.

En 1969, c’est à nouveau Katherine Johnson qui calcule les trajectoires de la mission Apollo 11 qui amène sur la Lune un équipage (d’hommes) et le ramène sain et sauf sur Terre.

En 2015, le président Barack Obama remet à Katherine Johnson la Médaille présidentielle de la Liberté, l’une des plus hautes distinctions civiles des Etats-Unis.

« Après une vie entière à atteindre les étoiles, aujourd'hui, Katherine Johnson a atterri parmi elles. Elle a passé des décennies en tant que personnage caché, brisant les barrières dans les coulisses (…). Elle est devenue une héroïne pour des millions de personnes dont Michelle et moi. » - Barack Obama.

En 2017, un nouveau centre de calcul est inauguré au Centre de Recherche de la NASA : le Katherine G. Johnson Computational Research Facility.

Le film « Les figures de l’ombre » (« Hidden figures »), adapté du livre de Margot Lee Shetterly, lui rend femmage, ainsi qu’à ses amies Dorothy Vaugh et Mary Jackson, première femme noire ingénieure en aéronautique. À voir !