Une semaine sur deux sur euradio, retrouvez la chronique « Consommateurs européens » présentée par Elphège Tignel du Centre Européen des Consommateurs France.
Vous nous parlez aujourd’hui des influenceur·ses et de la volonté française d’encadrer leurs pratiques sur les réseaux sociaux.
La France a, en effet, décidé de réglementer les activités des influenceur·ses sur les réseaux sociaux, et cela tombe bien parce que c’était devenu vraiment nécessaire. Les dérives se multiplient et les victimes aussi. Ils sont nombreux·ses à avoir acheté un produit défectueux ou suivi de mauvais conseils, donnés par des influenceur·ses. On peut citer les placements financiers frauduleux, la promotion de produits de consommation dangereux, ou encore la banalisation de la médecine et de la chirurgie esthétique….
Une proposition de loi veut donc mettre fin aux pratiques illégales, déloyales et frauduleuses des influenceurs sur les réseaux sociaux.
Mais qu’est-ce qu’un·e influenceur·se ? Est-ce qu’il existe déjà une définition ?
Non ! Aussi surprenant que cela puisse paraître, il n’existe actuellement aucune définition légale. Selon la jurisprudence, un·e influenceur·se est « une personne active sur les réseaux sociaux, qui par son statut, sa position ou son exposition médiatique est capable d’être un relais d’opinion influençant les habitudes de consommation dans un but marketing ».
La proposition de loi française s’inspire de cette définition, mais vise uniquement les influenceur·ses « à activité commerciale ».
Et c’est vraiment dommage ! Car, en réalité, beaucoup d’influenceur·ses ne sont pas lié·es par un partenariat commercial. Ils reçoivent des produits d’une marque ou un bon pour tester un hôtel de luxe du fait de leur notoriété. Et ils décident ensuite, gratuitement et à titre personnel, d’en vanter les mérites sur leurs réseaux sociaux.
Si le pouvoir d’influence de ces publications est le même sur les consommateur·rices, ces pratiques pourraient donc ne pas être encadrées.
Mais quel est le lien entre l’influenceur·se et une marque ?
Actuellement, c’est un peu le flou juridique. C’est pour ça que la proposition de loi tend vers l’obligation d’un contrat écrit entre l’influenceur·se et la marque, définissant notamment les responsabilités de chacun.
Pour protéger les consommateur·rices, on pourrait même imaginer que la marque qui envoie des produits à un influenceur dans un but commercial, soit co-responsable de ses publications sur les réseaux sociaux.
Et inversement, pourquoi ne pas responsabiliser l’influenceur·se s’il fait la promotion de produits dangereux ou frauduleux sans avoir préalablement vérifié l’identité voire l’existence de la marque ? Agir ainsi permettrait de protéger le mieux possible les consommateur·rices et notamment les plus fragiles.
De nombreux·ses influenceur·ses passent par une agence pour les mettre en relation avec des marques ou des annonceurs qui cherchent à promouvoir leur bien ou leur service sur les réseaux sociaux. Est-ce qu’il est prévu d’encadrer également leurs activités ?
Oui, la proposition de loi souhaite réglementer le métier d’agent d’influenceur·se. Elle impose par exemple un contrat écrit entre l’influenceur·se et son agent avec mention de la rémunération et des droits et des devoirs de chacun.
C’est bien, mais on pourrait aller encore plus loin en prévoyant des obligations spécifiques pour les agents d’influenceur·ses. Une obligation de suivi des contenus diffusés par l’influenceur par exemple. Ou encore une obligation de signaler aux autorités l’infraction ou la mise en danger commise par l’influenceur·se.
Et enfin, est-ce que les réseaux sociaux n’ont pas un rôle à jouer pour lutter contre les dérives des influenceur·ses ?
Si. C’est d’ailleurs cette démarche qui est préconisée du côté de l’Europe, avec les lois sur les marchés et les services numériques, les fameux DSA/DMA. Et c’est aussi ce qui est prévu dans la proposition de loi française.
Toute personne (et pas seulement les utilisateur·rices du réseau social), qui repère une pratique illégale, déloyale, frauduleuse ou un contenu illicite, pourrait faire un signalement à la plateforme en ligne. Et ensuite, selon la procédure interne mise en place, le contenu dénoncé pourrait être vérifié, le compte d’un·e influenceur·se suspendu etc.
Pour que cette réglementation soit efficace, il serait également fondamental d’obliger les réseaux sociaux à vérifier l’identité et la domiciliation des influenceur·ses présents sur leurs plateformes. Et notamment ceux, et ils·elles sont nombreux·ses, domicilié·es hors de France.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.