L'Europe et le monde

Manifestations en Géorgie

© Photo de Max Kukurudziak sur Unsplash Manifestations en Géorgie
© Photo de Max Kukurudziak sur Unsplash

L’Europe est composée de différents acteurs (États, entreprises privées, organisations internationales…) qui jouent un rôle majeur dans les relations internationales. La série « L’Europe et le Monde », par Justin Horchler, étudiant à Sciences Po Bordeaux sur euradio cherche donc à éclairer l’auditeur sur certains aspects de la place du Vieux continent sur la scène internationale.

Des dizaines de personnes manifestent depuis début avril en Géorgie. Pourquoi ?

La Géorgie connaît actuellement des manifestations antigouvernementales massives. Plusieurs dizaines de milliers de personnes protestent contre un projet de loi très controversé sur "l'influence étrangère".

Pourquoi cette loi est-elle controversée ?

Cette loi est critiquée par l'opposition et diverses parties prenantes pour sa similitude avec une loi adoptée en Russie et qui a permis de censurer toute opposition à Vladimir Poutine. Cette loi prévoit par exemple que les ONG qui bénéficient de plus de 20 % de fonds étrangers doivent se déclarer auprès des autorités. Un régime exorbitant du droit commun et pesant s'appliquera pour ces organisations. C'est donc une loi particulièrement liberticide.

Quels sont les arguments du parti au pouvoir pour justifier cette loi ?

Justin: Selon le parti au pouvoir, le Rêve géorgien, cette loi est nécessaire pour protéger la Géorgie contre l’influence étrangère. Le parti soutient que cette loi sera un instrument pour prévenir cette ingérence en améliorant la transparence sur les financements de la société civile et sera un gage de souveraineté. Il diffuse des théories du complot comme quoi les ONG et des groupes d'opposition en Ukraine et en Géorgie fomentent la guerre avec la Russie.

La présidente du pays s'oppose à cette loi. Peut-elle bloquer ce projet ?

En effet. Salomé Zourabichvili, qui est en conflit avec le parti au pouvoir, se positionne contre cette loi. Elle peut s'opposer à cette loi avec le véto dont elle dispose. Malgré ce véto, le Rêve géorgien pourra toutefois passer outre ce blocage car le parti dispose d'assez de voix pour passer la loi, ce qui a déjà été fait dans le passé.

Cette loi n'est pas nouvelle pourtant.

Tout à fait. Cette loi avait d'abord été présentée par le Rêve géorgien l'année dernière. L'opposition avait déjà à l'époque été très forte, et la loi a été mise de côté en conséquence de façon inconditionnelle. On se rappelle de certaines images comme celles des manifestants tenant un drapeau européen et faisant face aux policiers et leurs jets d'eau. Le gouvernement a toutefois décidé de proposer cette loi en changeant légèrement son titre et certaines dispositions, et créant une énième crise politique.

Comment réagit la population géorgienne ?

Justin: Il y a bien sûr des soutiens à cette loi, mais une mobilisation d'une telle ampleur contre une loi est notable dans ce petit pays. Les manifestants étaient très nombreux, beaucoup d'entre eux avec des drapeaux européens et criant des slogans comme « Non à la loi russe ! » ou « Non à la dictature russe ». On entend aussi souvent dire que cette loi cherche à compromettre le projet géorgien d'intégrer à terme l'Union européenne, une idée soutenue par plus de 90 % de la population géorgienne.

Et pourquoi ?

Selon les opposants à cette loi, le risque, ou l'objectif, serait d'entraver l'adhésion de la Géorgie à l'Union européenne. Pourquoi ? Car cette loi affecte évidemment différents droits dont la liberté d'expression ou d'association. Rappelons que la Géorgie bénéficie d'un statut de candidat officiel à l'Union, mais les négociations d'adhésion sont conditionnées à des réformes ambitieuses. Le système judiciaire doit être modernisé, les élections rendues plus justes, et les libertés renforcées. Cette loi va à l'encontre de ce projet. La loi sur l'influence étrangère viole la Convention européenne des droits de l'homme et nuit à l'État de droit. Les conditions d'adhésion à l'Union européenne ne peuvent pas être remplies si cette loi passe, même Josep Borrell, le Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères, l'a dit.

Que peut faire l'Union européenne ?



Et bien pas grand chose. Les différentes mesures que pourrait prendre Bruxelles affectera les Géorgiens plutôt que les oligarques qui sont au pouvoir, et seront probablement contre productives. L'Union doit donc faire tout ce qu'elle peut pour s'assurer que la Géorgie renforce sa démocratie et ne devienne pas un satellite de la Russie.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.