Il était une fois l'Europe

Le 9 mai 1950

Image par Guy Dugas de Pixabay Le 9 mai 1950
Image par Guy Dugas de Pixabay

Dans Il était une fois l'Europe, l'historien Sylvain Schirmann revient sur des dates emblématiques de l'Histoire de l'Europe toutes les deux semaines sur Euradio

Aujourd’hui, retour sur un jour devenu symbole : le 9 mai 1950, plus précisément Mardi, il est 18 heures, Robert Schuman entre dans le salon de l’Horloge du quai d’Orsay et en quelques phrases, bouleverse l’histoire européenne.

Sylvain Schirmann, pourquoi ce moment est-il si décisif pour l’Europe ?


Le journal « Le Monde » parle d’un acte révolutionnaire. Cet instant est décisif pour plusieurs raisons :

  • Il lance la construction d’une Europe supranationale
  • Pour la première fois depuis la guerre, l’Allemagne est intégrée dans une instance européenne. C’est le début de la réconciliation franco-allemande
  • Il transforme des industries associées à la guerre en symboliques de paix
  • Il donne une méthode pour la construction européenne : la méthode fonctionnaliste
  • Il développe une vision : celle d’une Europe qui s’intègre progressivement, ouverte et non fermée et facteur de paix pour elle-même, mais aussi pour le monde.

Cette déclaration paraît très spontanée, mais en réalité elle a été longuement préparée… Sylvain Schirmann, comment le texte de la Déclaration Schuman a-t-il été construit, et quelles sont les raisons de son succès ?

Le projet est l’œuvre de Jean Monnet, Commissaire au plan et de son équipe. Il vise à faire face aux problèmes que rencontrent les pays européens à travers une instance commune et une coopération permanente. Pour Monnet, père de cette méthode fonctionnaliste, il s’agit de parvenir à terme aux Etats-Unis d’Europe. Ce projet d’une CECA est transmis à Robert Schuman à la fin du mois d’avril 1950 par Robert Clapier, son chef de cabinet auquel Monnet avait transmis une copie. Schuman décide alors « d’en faire son affaire », voyant immédiatement les avantages du projet : avantages économiques, politiques et symboliques. S’en suit une forme de navette entre le Commissariat au plan et le ministère des Affaires étrangères, jusqu’à la l’élaboration définitive de la déclaration.

Le projet prêt, Schuman en parle à Bidault, le président du Conseil et on l’inscrit à l’Ordre du jour du Conseil des Ministres du 9 mai, en dernier point, ce qui laisse peu de temps à sa discussion. Mais il faut aussi obtenir avant de rendre la déclaration publique l’accord d’Adenauer, le chancelier allemand. Le texte mentionne spécifiquement l’Allemagne et sans son accord préalable difficile d’obtenir le résultat souhaité. Schuman dépêche auprès du chancelier un de ses proches conseillers, Robert Mischlich, auquel le chancelier communique peu avant la tenue du Conseil des ministres français son accord. Les obstacles étant levé, la presse est convoquée ce même 9 mai à 18 h. au salon de l’Horloge du Quai d’Orsay pour prendre connaissance de la déclaration.

Cette déclaration après avoir obtenu le ralliement d’Adenauer suscite l’adhésion des pays du Benelux pour lesquelles elle est garante de paix, le soutien des Etats-Unis, puis quelques jours après le ralliement de l’Italie. Londres en revanche refuse d’entrer dans l’organisation prévue, à cause de son caractère supranational.

Le 9 mai 1950, Robert Schuman et Jean Monnet ont réussi un pari fou : transformer le charbon et l’acier, instruments de guerre, en outils de paix. Rendez-vous dans notre prochaine chronique pour découvrir comment un an plus tard le Traité de Paris a donné naissance à la Communauté européenne du charbon et de l'acier.

Un entretien réalisé par Olivier Singer.

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