Chaque semaine, Lyudmyla Tautiyeva nous propose un aperçu de ce qu'il se passe aux frontières de l'Union européenne, traitant de sujets divers tels que la gouvernance, l’entreprenariat, ou encore l'innovation.
Le 21 novembre, le média Axios a publié un plan de paix en Ukraine élaboré par les États Unis. Ce plan, composé de 28 points contient tous les ingrédients pour une nouvelle invasion russe de l’Ukraine selon plusieurs spécialistes, comme Anne Appelebaum, journaliste et spécialiste de l’Europe de l’est, lauréate du prix Pulitzer en 2004. Que prévoit ce plan exactement ?
Le plan a été élaboré par l’envoyé spécial de Trump, Steve Witkoff, et le secrétaire d’état Marco Rubio, en consultation avec Kiril Dimitriev, le dirigeant du Fonds souverain russe résidant aux Etats-Unis, sans aucune concertation préalable avec l’Ukraine ou les Européens. Il s’agit d’une liste des exigences maximalistes du Kremlin déjà formulées par le Kremlin lors des négociations à Istanbul en 2022.
Le plan prévoit notamment que l’Ukraine cède à la Russie les régions de Donetsk et Louhansk – des territoires que la Russie n’a pas toujours réussi à occuper dans leur totalité depuis 2014. Il propose également à l’Ukraine de réduire son armée à 600 000 hommes, de renoncer à intégrer l’OTAN et d’interdire le stationnement des troupes de l’OTAN sur son territoire. Plus encore, le point 26 du plan prévoit une amnistie totale des parties du conflit ce qui signifie que crimes de guerre commis par l’armée russe à Butcha, à Mariupol, et ailleurs contre les civils et les prisonniers militaires resteront impunis.
En revanche, ce plan américain prévoit que la Russie soit bien récompensée pour sa guerre en Ukraine. Notamment, la Russie va réintégrer le G8 et reprendre l’activité économique avec des Etats-Unis avec la levée des sanctions qui accompagnera ce processus.
Enfin, le plan ne contient aucune vraie garantie de sécurité pour l’Ukraine afin de prévenir une nouvelle invasion russe. Un accord de non-agression entre la Russie, l’Ukraine et l’Europe (point 2) et une attente que la Russie n’envahisse pas les pays voisins (le point 3) – ne suffisent pas pour dissuader la Russie de la nouvelle agression.
Quelle a été la réaction des européens à ce plan ? Au-delà du fait que la guerre en Ukraine les concerne directement, le plan mentionne l’Europe à plusieurs reprises.
Vous avez raison, Laurence, de souligner que l’Europe figure beaucoup dans ce plan.
En effet, le texte prévoit notamment le stationnement d’avions de combat européens en Pologne (point 9). La réaction de la Pologne a été immédiate : Varsovie a rappelé qu’elle seule décide de telles questions souveraines. Par ailleurs, le plan aborde la question des avoirs russes gelés, dont la majorité se trouve en Europe, principalement en Belgique. La décision concernant leur utilisation revient donc aux Européens qui, d’ailleurs ont beaucoup avancé sur le mécanisme d’utilisation de ces avoirs pour aider l’Ukraine. Or, le plan propose que ces avoirs soient utilisés par les États-Unis pour financer la reconstruction de l’Ukraine et pour créer un fonds d’investissement américano-russe – une proposition inédite qui place l’Europe en perdant.
Enfin, le plan prévoit un accès préférentiel de l’Ukraine au marché européen en tant que candidat à l’UE, alors que cet accès relève exclusivement de la décision des Européens, et non des États-Unis.
Les européens dans leur déclaration commune, ont fait savoir que bien que le plan puisse servir de base à une négociation, il devrait être modifié pour intégrer leurs exigences, ainsi que celle de l’Ukraine – une manière diplomatique de dire non aux Etats-Unis.
Et l’Ukraine face à ce plan honteux – quelle a été sa réaction et quelles démarches a-t-elle entreprises depuis ?
Le président Zelensky a déclaré que l’Ukraine travaillera sur les points de ce plan dans l’objectif d’aboutir à une paix juste et durable – une manière de ne pas rejeter le plan qui est considéré comme une capitulation de l’Ukraine mais aussi de ne pas apparaitre comme celui qui refuse la paix.
Dimanche, des négociations entre les délégations américaine et ukrainienne se sont tenues à Genève. Les européens ont été également présents. Les discussions intenses ont abouti à nouveau projet de plan de paix qui intègre les propositions ukrainiennes et européennes. L’annonce du bureau du président ukrainien note le progrès et souligne que tous les partis partagent que le futur accord respectera la souveraineté de l’Ukraine.
Maintenant, la question est de savoir si la Russie accepte un accord de paix quelconque et si elle est intéressée d’arrêter sa guerre en Ukraine.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.