Chaque semaine sur euradio, retrouvez Marc Tempelman, le cofondateur de l’application d’épargne gratuite Cashbee, qui traite les sujets et les actualités de la finance.
Jeudi dernier, le prix de l’or a atteint son record historique. L’once d’or s’est échangée à 2072 Dollars, à quelques centimes seulement de son plus haut historique. Cela représente une hausse de plus de 12 % depuis le début de l’année. Je pensais qu’il pouvait être intéressant d’analyser cette tendance.
Je pensais que la demande pour l’or avait déjà fortement augmenté l’année dernière ?
Vous avez raison. La demande pour l’or s’est fortement accrue en 2022. Selon le Conseil Mondial de l’Or, elle avait augmenté de 18 % pour atteindre plus de 4 700 tonnes, notamment sous l’effet de la demande en provenance des banques centrales, qui à elles seules ont acheté plus de 1 000 tonnes d’or en un an. Cela faisait plus d’un demi-siècle que les banques centrales n’avaient pas acheté autant d’or. Et les plus gros acquéreurs semblent être les banques centrales russe et chinoise.
Pourquoi les banques centrales ont-elles acheté autant d’or ?
Il y a plusieurs raisons. Premièrement, dans un contexte géopolitique plus volatil et incertain, l’or constitue typiquement une valeur refuge. Deuxièmement, le monde entier a pu observer que les gouvernements des pays de l’ouest ont gelé 300 milliards de Dollars appartenant à la Russie, dans le cadre des sanctions imposées contre ce pays après son invasion de l’Ukraine. Il est alors possible que des dirigeant·es de banques centrales se soient posé la question de savoir s’il était bien sage d’avoir autant de ses réserves en Dollars américains. Ainsi, au 3e trimestre de l’année dernière, la Turquie était officiellement la plus grosse acheteuse d’or avec 31 millions de tonnes. Le métal représente maintenant environ 29 % de ses réserves. Elle était suivi de près par l'Ouzbékistan qui a acquis 26 tonnes d’or au même moment.
Pourquoi vous dîtes que la Turquie était “officiellement” le plus gros acquéreur d’or. Que se passe-t-il officieusement ?
Les achats d’or officiels sont ceux où les quantités échangées sont formellement déclarées comme faisant partie des réserves. Mais de nombreux spécialistes soupçonnent la Chine d’acheter des quantités d’or qui ne sont pas déclarées comme réserves. Pour la Russie, c’est un peu différent. Le pays produit environ 300 tonnes d’or par an, qui ont du mal à être exportées à cause des sanctions. C’est donc la banque centrale qui les achète, pour renforcer ainsi ses réserves.
À part la demande accrue des banques centrales, existe-t–il d’autres facteurs qui stimulent le prix de l’or ?
Tout d’abord, les banques centrales continuent d’acheter de l’or en quantité importante depuis le début de l’année. Elles ont collectivement acheté plus de 200 tonnes du métal précieux. Mais elles ont été rejointes par deux autres groupes d’acheteurs. Tout d’abord, les consommateur·rices chinois·es se sont rué·es vers les bijoux en or depuis leur déconfinement ultra-strict et très long. Par ailleurs, depuis quelques semaines ce sont les fortes turbulences dans le monde bancaire américain qui stimulent la demande pour cette valeur refuge. Les faillites en cascade de la Silicon Valley Bank, de Signature Bank et de First Republic font craindre une crise financière. Et dans un tel scénario, l’or peut permettre de résister à la tempête éventuelle.
Le prix de l’or est-il donc voué à continuer de croître ?
Je n’ai malheureusement pas de boule de cristal ! Nous venons d’énumérer plusieurs facteurs qui sont de nature à continuer à pousser son prix à la hausse. Ce qui constitue donc un scénario possible.
À l’inverse, il faut noter qu’à un cours de plus de 2000 Dollars, la population indienne, pourtant culturellement très attachée aux bijoux en or, a fortement réduit ses achats, les objets étant devenus trop chers pour certains.
Par ailleurs, si les banques centrales continuent d’augmenter leurs taux directeurs, il devient de plus en plus attractif pour les investisseur·euses de placer leur argent sur les marchés obligataires afin de générer des intérêts de plus en plus élevés. Car souvenons-nous quand même que l’or, lui, ne génère pas de revenus.
Affaire à suivre …
Entretien réalisé par Laurence Aubron.