L'éco de Marc Tempelman

Le Spoofing ou quand les grandes banques trichent - l'Eco de Marc Tempelman #5

Le Spoofing ou quand les grandes banques trichent - l'Eco de Marc Tempelman #5

Nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons toutes les semaines de finance.

Les autorités américaines viennent d’infliger amende record de 920 millions de dollars à JP Morgan, la plus grande banque du pays. Je pensais que la sanction était suffisamment impressionnante pour qu’on en parle.

Effectivement, c’est une somme. Pourquoi la banque a-t-elle été aussi sévèrement punie ?

JP Morgan a reconnu avoir manipulé les marchés des métaux précieux et des obligations d’état américains pendant des années. Certains de ses traders ont triché, en utilisant la technique du Spoofing.

Le spoofing dites-vous ? C’est quoi ? Car le mot fait plutôt penser à une mauvaise blague.

Oui, le mot est plutôt rigolo, mais le spoofing est bien une technique - formellement interdite - de manipulation de marché. Voici comment ça marche. 

Imaginons John, un trader en matières premières dans une grande banque qui souhaite vendre de l’or. 

Ses écrans affichent en temps réel les prix auxquels des acheteurs potentiels voudraient acheter ce métal, ainsi que les prix auxquels d’autres sont prêts à vendre.

Évidemment, John souhaite vendre sa quantité d’or au meilleur prix. Mais ce jour-là, il n’aime pas les prix proposés par les acheteurs. 

Disposant des systèmes nécessaires pour le faire, il entre un grand nombre d’ordres d’achats (fictifs), qu’il annule aussitôt. Mais ces ordres s’affichent sur les écrans des autres intervenants de marché, créant l’illusion d’un nombre important d’acheteurs d’or. 

Cette impression de forte demande fait grimper le cours de l’or, et permet à John de vendre sa position à un prix plus élevé. Il empoche un gain plus important, … au détriment de l’acheteur.

D’accord. Et cela rapporté beaucoup à la banque ?

Oui, cela peut rapporter gros, tant que l’on ne se fait pas prendre. Dans la peine de 920 millions de dollars infligée à JP Morgan, 312 millions représentent les restitutions aux contreparties lésées par cette pratique, et 172 millions, le remboursement des profits réalisés de façon illégale. 

Et quelles sont les conséquences pour les traders ?

Pour souligner la fermeté des autorités sur ce sujet, les traders soupçonnés d’avoir manipulés les cours sont personnellement accusés également. Au-delà d’avoir été virés par la banque, s’ils sont jugés coupables, ils encourent des peines allant jusqu’à 30 ans de prison.

Quelles conclusions tirez-vous de cette affaire ?

Pour JP Morgan, la facture est évidemment salée mais acceptable. Elle a gagné plus de 4,5 milliards de dollars après tout, rien qu’au second trimestre de l’année 2020. Et elle est tellement importante voir dominante dans tant de domaines de la finance mondiale, qu’il est peu probable qu’elle perde de nombreux clients à cause de cette affaire.

Mais il n’en reste pas moins que la réputation de l’institution vient de prendre un coup. Et sur les marchés financiers, la réputation contribue à la confiance que les contreparties doivent s’accorder pour faire du trading, et ainsi assurer les flux financiers.

En 2015, JP Morgan avait déjà reçu une peine pour manipulation. Depuis la banque a dépensé plus de 430 millions de dollars pour recruter des responsables de la conformité, des contrôleurs internes et augmenter la surveillance de ses activités de trading. Nous ne serions pas surpris de voir ce poste de dépenses prendre encore plus d’importance, chez JP Morgan et chez ses consoeurs !