L'éco de Marc Tempelman

Les inégalités, en hausse ou en baisse ? - L'éco de Marc Tempelman #7

Les inégalités, en hausse ou en baisse ? - L'éco de Marc Tempelman #7

Nous accueillons Marc Tempelman, un des co-fondateurs de la FinTech Cashbee, qui aide les Européens à épargner plus et mieux. Nous discutons toutes les semaines de finance. Au programme cette semaine: les inégalités.

Je souhaitais aborder avec vous le sujet brûlant de l’inégalité, car au-delà du mouvement des gilets jaunes en France qui réclamaient – entre autres – plus d’équité, le sujet semble prendre de l’ampleur à travers le monde.

Très bien, quand vous dîtes « à travers le monde » vous faites référence à des pays particuliers ?

Alors il y en a deux qui me viennent immédiatement à l’esprit. Tout d’abord la Thailande, où la population commence à exprimer des doutes au sujet de la légitimité de la fortune du roi. Est-il vraiment nécessaire que la famille royale dispose de 40 avions et hélicoptères alors que l’économie locale, très dépendante du tourisme, s’effondre ? Puis il y a les Etats-Unis, où l’écart entre les « haves » et les « have-nots » se creuse. Cet écart est clairement pointé du doigt par le camp démocrate dans la campagne présidentielle. Madame Alexandria Ocasio-Cortez, membre du Congrès américain, très en vogue estime même que « chaque nouveau milliardaire serait un échec politique ».

Soyons factuels. Avant de juger si ces gens ont raison de réclamer plus d’équité, comment peut-on la mesurer ? Ça se calcule, l’inégalité ?

Oui, les statisticiens sont là pour nous aider. Et parmi eux il y en un qui a consacré beaucoup de temps à l’inégalité. A tel point qu’il le coefficient qu’il a inventé porte son nom : le coefficient de Gini. Il représente la répartition de la richesse ou des revenus au sein d’un groupe. Cet indice varie de 0 à 1, où 0 correspond à une égalité parfaite et 1 à une “inégalité parfaite” c’est-à-dire la situation où une seule personne collecte tous les revenus, les autres ne recevant rien.

Et alors comment se situent les différents pays européens sur cette échelle ?

Sans surprises, les pays nordiques sont les champions en la matière avec la Norvège à 0,25, la Finlande à 0,26 et les Pays-Bas à 0,27. Mais la France est plutôt bien positionnée, car son coefficient ressort à 0,28 en 2018 bien inférieur à la moyenne de l’Union Européenne à 0,30.

Les Français adorent se comparer aux Allemands, car chez eux tout est toujours mieux. Ils s’en sortent comment ?

Figurez-vous que nos voisins Allemands affichent un coefficient 0,31, et le Royaume-Uni de 0,33. Mais de façon générale, l’Europe s’en sort mieux que les autres grandes puissances. Car les États-Unis ont un coefficient de Gini de 0,38 et celui de la Chine atteint 0,47 !

On aurait donc tort de se plaindre ?

Pas tout à fait. Car il est vrai que récemment l’écart entre les plus riches et les plus pauvres s’est de nouveau légèrement accru en France. Plusieurs mesures prises pour stimuler l’économie bénéficient notamment à la partie aisée de la population. La baisse de la taxe d’habitation ne favorise que les propriétaires de biens immobiliers, par exemple.

Mais c’est aussi une affaire de perception à laquelle les réseaux sociaux contribuent indéniablement. Certains ultra-riches adorent afficher leurs fortunes, de façon ostentatoire sur Facebook ou Instagram. C’est alors facile de détester les riches sans distinction, et nous savons que les commentaires négatifs et les opinions tranchantes “marchent mieux” sur les réseaux sociaux que les compliments et les remarques bienveillantes. Ce qui favorise la polarisation et alimente le clivage social.

Et j’imagine que la crise économique actuelle n’arrange pas les choses ?

Vous avez raison. L’écart risque de se creuser à cause de la crise économique provoquée la crise sanitaire : le confinement a pesé sur la consommation, les jeunes diplômés ont beaucoup de mal à trouver des emplois stables et le chômage est en train de croître.

Mais attention au fatalisme. Pour bien comprendre les statistiques, il faut garder en tête qu’il s’agit de données saisies à des instants donnés. Dit autrement, les personnes qui appartiennent aux 10% les plus pauvres dans une année donnée ne sont plus forcément dans cette tranche l’année suivante. La population évolue dans le temps, et peut monter - ou descendre - sur l’échelle de la richesse. L’Insee estime que 20% des plus pauvres ne font plus partie de cette tranche d’une année sur l’autre. Crise ou pas, la mobilité sociale existe, mais c’est probablement un sujet pour un prochain édito.

crédit photo: Wokandapix