Retrouvez chaque semaine sur euradio l'analyse d'une actualité européenne avec Joséphine Staron, directrice des études et des relations internationales du think tank Synopia.
Aujourd’hui vous souhaitez revenir sur le Sommet du G7 qui s’est tenu la semaine dernière à Hiroshima, au Japon. Que peut-on en retenir ?
La semaine dernière les chefs d’États de l’Allemagne, du Canada, des États-Unis, de la France, de l’Italie, du Japon et du Royaume-Uni, se sont donc réunis au Japon qui dispose de la Présidence tournante en 2023. Ce qu’on peut retenir des trois jours du Sommet, c’est déjà l’intervention du Président ukrainien, Volodymyr Zelensky qui, comme à chaque sommet international, vient défendre la cause de son pays et demander plus de soutien. En ce qui concerne le volet des sanctions contre la Russie, il a d’ailleurs été devancé puisque les pays du G7 se sont très vite entendus sur une extension des sanctions vis-à-vis de la Russie.
Quelles sont-elles justement ?
L’objectif déjà est double. Premièrement, continuer de priver la Russie des moyens de faire la guerre et donc sanctionner l’importation et l’exportation de technologies, d’équipements industriels. Les nouvelles sanctions ciblent notamment l’industrie du diamant russe qui constitue la 3e source d’exportation de la Russie, après le pétrole et le gaz, et qui rapporte chaque année plus de 4 milliards d’euros. Et le deuxième objectif des pays du G7, c’était aussi de limiter les contournements des sanctions par d’autres pays. Donc les nouvelles réglementations décidées ce week-end visent à s’assurer des effets négatifs des sanctions sur la Russie.
Concernant le secteur du diamant, les États-Unis l’avaient déjà placé sous sanctions depuis le début de la guerre en Ukraine. Pourquoi les Européens n’en ont pas fait autant ?
Il faut savoir que l’industrie du diamant est très profitable, même en Europe. C’est la Belgique qui bloquait toute tentative d’embargo ces derniers mois, notamment parce qu’elle dispose de la première place diamantaire du monde, la place d’Anvers. Donc en termes de revenus et d’emplois, la Belgique ne pouvait pas se permettre des sanctions trop soudaines sur ce secteur. Mais le Parlement belge a finalement accepté de mettre en œuvre des sanctions il y a quelques semaines.
Outre la Russie, c’est la Chine aussi qui était dans le viseur des pays du G7 ce week-end.
Oui et plus encore que sur la Russie, l’enjeu est de taille pour les membres du G7 qui souffrent de leurs dépendances vis-à-vis de la Chine. Pour les États-Unis c’est un peu différent parce que ça fait déjà plusieurs années qu’ils sont entrés dans une guerre économique et commerciale avec la Chine, donc ils ont déjà trouvé les moyens de rendre leurs chaînes d’approvisionnement bien moins dépendantes de la Chine que nous en Europe. Ils ont notamment bloqué l’accès de Pékin aux semi-conducteurs et interdits plusieurs grosses entreprises chinoises. On se souvient du scandale autour de l’opérateur chinois Huawei il y a quelques années déjà.
Mais l’Europe, en revanche, est toujours très dépendante de la Chine.
Oui, en ce qui concerne les Européens, c’est moins simple : la Chine est le premier partenaire commercial de l’UE, devant les États-Unis depuis 2021 et nos chaînes d’approvisionnement sont encore très largement dépendantes de l’industrie chinoise. Mais ces derniers mois, les dirigeants européens ont pris conscience du danger que représentait une trop grande dépendance. C’est d’ailleurs le sens du plan industriel européen qui vise à rendre l’industrie européenne plus autonome. Thierry Breton a été clair : l’objectif, c’est donc de produire, en Europe, 20 % des semi-conducteurs et 40 % de ses besoins en technologie verte d’ici 2030. Assortie à cela, la Commission a proposé une nouvelle règle qui s’inscrit dans une vraie recherche d’autonomie stratégique : l’UE ne doit jamais dépendre d’un seul pays pour plus de 65 % de ses besoins. Et ça concerne bien évidemment la Chine.
Les pays du G7 ne sont-ils pas isolés dans cette vision du monde et est-ce que ce format a 7 a encore une vraie pertinence aujourd’hui ?
C’est une bonne question. Ce qui est certain que les pays du G7 n’ont plus l’hégémonie qu’ils ont pu avoir au moment de la création de ce groupe de discussion en 1975. Aujourd’hui, ils sont largement concurrencés en termes de PIB et de populations représentées par d’autres alliances régionales de plus en plus puissantes. La Chine et la Russie sont de plus en plus influentes sur la scène internationale, notamment vis-à-vis des pays du Sud Global qui, pour la majorité d’entre eux, se déclarent non alignés sur les Occidentaux concernant la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie. Les pays du G7 ont conscience de cette baisse de leur influence. C’est d’ailleurs pour ça qu’ils ont invité plusieurs pays non-membres à participer au sommet du week-end dernier, ce qui est assez inhabituel. Il y avait notamment l’Inde, le Brésil et l’Indonésie, des puissances régionales qui se rapprochent toujours plus de la Chine.
Dernièrement on a beaucoup parlé des BRICS, cette alliance qui compte le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud.
Oui c’est une des alliances politiques et économiques qui prend de plus en plus d’ampleur aujourd’hui. Non seulement ils représentent plus de 40 % de la population mondiale (contre 10 % pour le G7), mais en plus il y a désormais 19 pays qui souhaitent les rejoindre. Donc oui les BRICS sont déjà une alliance de premier plan.
Comment les Occidentaux peuvent-ils encore espérer tirer leur épingle du jeu dans cette compétition internationale de plus en plus dure ?
Il n’y a pas 36 solutions... En termes de populations représentées, les Occidentaux n’atteindront jamais les chiffres des BRICS ou même des pays de la Ligue Arabe. Les pays du G7, comme l’ensemble des pays européens, souffrent d’un déficit démographique qui n’a pas l’air de se résorber, bien au contraire. Donc c’est uniquement sur le champ économique que les Occidentaux peuvent encore espérer miser. Notamment parce qu’ils sont les plus industrialisés, avec la main d’œuvre la plus qualifiée. Mais ces atouts ne sont pas suffisants à eux seuls. C’est d’ailleurs pour ça que tous les États occidentaux réfléchissent à nouveau à leur réindustrialisation, qu’ils réinvestissent massivement dans leurs économies et qu’ils cherchent à retrouver de la crédibilité dans des filières technologiques de pointes et dans des innovations.
Entretien réalisé par Laurence Aubron.