Retrouvez chaque semaine sur euradio l'analyse d'une actualité européenne avec Joséphine Staron, Directrice des études et des relations internationales du think tank Synopia.
La semaine dernière, plusieurs centaines de Britanniques manifestaient à Londres pour demander un retour du pays dans l’Union européenne. Est-ce réaliste de penser qu’un jour le Royaume-Uni pourrait être réintégré ?
À long terme oui, à plus court terme non, cela parait difficile à envisager. Ce qui est certain, c’est que depuis le Brexit, une grande majorité de Britanniques a le sentiment d’avoir été bernée et manipulée dans leur choix. Il a été prouvé que les partisans du Brexit, au moment de la campagne référendaire en 2016, ont diffusé des fake news et propager des allégations mensongères sur l’UE. Le vote des Britanniques en faveur de la sortie du Royaume-Uni de l’UE a été une surprise pour beaucoup. En premier lieu pour l’ancien Premier ministre David Cameron qui, en lançant l’idée, avait parié sur le fait que les Anglais feraient le choix de rester. Mais ni lui, ni personne n’avait anticipé la campagne mensongère qui a eu lieu.
Les Britanniques regrettent-ils vraiment leur départ ?
On a l’habitude de dire que les Britanniques ont toujours eu un pied dedans et un pied dehors. Mais depuis le Brexit, ils ont les deux pieds dehors et leur économie en souffre. C’est un fait. Beaucoup d’eurosceptiques pensaient d’ailleurs que le Brexit allait créer un précédent et que d’autres États européens emboiteraient le pas au Royaume-Uni. Ça n’a pas été le cas. Même les partis les plus europhobes en Europe ne plaident plus pour une sortie de l’UE. Le Brexit n’a donc pas créé d’émules, ni en Europe ni au Royaume-Uni.
Quelles ont été les conséquences du Brexit pour les Britanniques ?
Déjà il y a eu des conséquences politiques. La chute de David Cameron d’abord, l’élection de Boris Johnson, propagateur de fake news qui n’est pas sans rappeler un certain Donald Trump. Le Brexit n’a pas prémuni le Royaume-Uni des phénomènes d’instabilité politique qu’on connait ailleurs en Occident. Mais c’est les conséquences économiques qui sont les plus marquantes et qui poussent de nombreux Britanniques à regretter amèrement leur départ. Le commerce avec l’UE a chuté, et c’est surtout les services financiers et les transports qui ont été durablement affectés par la sortie du marché unique. La croissance est au plus bas, le marché du travail est très tendu notamment en raison des difficultés à faire appel à la main d’œuvre européenne. Les problèmes liés à l’immigration, au chômage ou au système de santé n’ont pas été résolus, contrairement aux promesses faites par les « Brexiters ». Les Britanniques en ont bien conscience.
C’est pour cela qu’une partie d’entre eux aujourd’hui souhaitent revenir en arrière et réintégrer l’UE ?
Oui mais c’est aussi parce que le monde a bien changé depuis le référendum de 2016. Nous avons connu la crise sanitaire, maintenant la guerre en Ukraine et au Proche-Orient. Les États- Unis font face à une crise politique interne dont les conséquences, en cas de réélection de Donald Trump, pourraient être lourdes pour l’OTAN et l’UE. Les Britanniques, comme les Européens, voient bien que dans ce paysage géopolitique complexe et anxiogène, il vaut mieux avoir des alliés et ne pas jouer la partie seuls. Aujourd’hui, selon l’institut de sondages YouGov qui réalise la même enquête depuis 2020 auprès des Britanniques, 55 % des Anglais pensent que le Brexit était une erreur, contre seulement 31 % qui pensent qu’il s’agissait d’une bonne décision. Mais plus intéressant encore, selon une enquête réalisée par la Fondapol au printemps dernier, 77 % des Européens se disent favorables au retour du Royaume-Uni dans l’UE et 68 % des Britanniques le souhaitent.
Le Premier ministre Keir Starmer était à Bruxelles cette semaine. Peut-on s’attendre à un rapprochement ?
Un rapprochement oui, une réintégration non. Ce serait bien trop compliqué de revenir en arrière si vite. Les négociations de sortie ont duré presque 5 ans. Il faudrait le double ou le triple pour imaginer un retour aujourd’hui. Mais il est certain que le Royaume-Uni et l’Union européenne ont tout intérêt à se rapprocher vu le contexte actuel. Ça semble en bonne voie et personne ne s’y oppose. Donc c’est déjà un point positif.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.