La COP26 c’était il y a quelques semaines, et tout le monde est d’accord pour affirmer que l’accord finalement signé par les parties est décevant notamment par une avancée sur le charbon qui a échoué à la dernière minute. Pouvez-vous nous réexpliquer rapidement ce qu’il s’est passé ?
La conférence des parties rassemblait 197 pays et devait marquer une avancée par rapport aux accords de Paris signé il y a 6 ans. Pour la première fois, la question des énergies fossiles était introduite dans le texte, avec notamment la question du charbon. La première version du texte contenait le mot « supprimer » et évoquait une sortie progressive du charbon et un arrêt des subventions aux énergies fossiles. Un changement de dernière minute, poussé par l’Inde et la Chine, a profondément modifié le texte : il s’agit non plus de sortir du charbon mais de réduire l’usage du charbon. Cela entrave gravement la possibilité de limiter le réchauffement à 1,5°C, car il nous reste un peu moins de 10 ans pour diminuer drastiquement les émissions.
Beaucoup d’annonces ont été faites, émanant de l’industrie, des gouvernements : des coalitions se sont créées, nous avons parlé de la lutte contre la déforestation dans une précédente chronique. Le monde financier a-t-il également fait des annonces ?
Oui il y a eu une annonce importante dans les premiers jours de la COP : 450 institutions financières ont formé une coalition pour financer la transition. Ces institutions financières gèrent 130 mille milliards de dollars. Une étude avait montré qu’environ 100 mille milliards de dollars étaient nécessaires pour financer la transition. De nombreux acteurs financiers font partie de la coalition : des banques bien sûr, mais aussi des assurances, des fonds de pension, des agences de notation, des sociétés de gestion. Elles devront concentrer leurs investissements sur les entreprises qui ont clairement établi une trajectoire compatible avec les accords de Paris d’ici 2050, avec 50% de réduction des émissions d’ici 2030.
Les chiffres sont vertigineux ! Est-ce que c’est une bonne nouvelle ou simplement une annonce supplémentaire qui ne fera pas vraiment de différence ?
Je dirais que c’est nouvelle à recevoir avec du recul. Si les institutions financières montrent qu’elles sont capables de mobiliser suffisamment de capitaux pour faire bouger les entreprises, il faut encore voir une réduction des émissions de gaz à effet de serre. De nombreuses annonces de coalition ont été faites ces deux dernières années, la COP a surtout servi à coordonner les efforts du secteur financier, mais pas à entreprendre des actions révolutionnaires.
Mais est-ce qu’une méga-coalition peut faire fléchir les entreprises ?
Ce n’est pas forcément la coalition, mais davantage un travail de fond des différents groupes de travail pour déterminer objectifs de réduction des émissions spécifiques à chaque secteur. Cela inclut des objectifs chiffrés précis, définis par des scientifiques, ce qui va aider les investisseurs à y voir plus clair sur les ambitions et les efforts réels des entreprises. Un gros travail est en cours pour harmoniser les différents systèmes de comptabilité carbone et adopter des définitions communes de ce qu’est une trajectoire net-zéro par exemple. Aujourd’hui le manque de cohérence sur les données carbone est un facteur limitant majeur pour que le secteur financier puisse être pleinement à la hauteur de l’enjeu.
On peut espérer que des actions concrètes vont être mises en place, avec une réduction des émissions de gaz à effet de serre vraiment visible ?
Oui mais cela ne va pas seulement venir du secteur financier, qui ne pourra jamais décider de la sortie du charbon en Inde ou en Chine. D’autres points de pression sont essentiels, la régulation et l’action des pays, mais aussi la pression légale : de plus en plus d’entreprises et de gouvernements sont visés par des procès juridiques pour les obliger à diminuer leur impact environnemental. Ce risque juridique pourrait devenir un moyen important, peut-être plus efficace que les COP, pour faire avancer la transition bas-carbone.
Jeanne Gohier au micro de Laurent Petetin
Photo de Marcin Jozwiak provenant de Pexels
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
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