Jeanne Gohier, vous nous parlez aujourd’hui d’un outil financier de plus en plus plébiscité par les grands investisseurs : un indice ESG. Alors déjà lorsqu’on parle d’indice, cela nous rappelle quelque chose mais on n’est pas exactement certain de ce que c’est. Le CAC40 par exemple c’est bien un indice boursier ?
Oui en effet le CAC40 est bien un indice boursier, il rassemble les 40 plus grandes entreprises cotées à la Bourse de Paris. Un indice boursier va donner une perception de la performance financière d’un marché national ou même régional comme l’Europe. Il se construit en rassemblant un groupe d’actions, en tenant uniquement compte de la valeur en bourse des titres, c’est ce qu’on appelle un indice par capitalisation : l’évolution de son cours reflète la performance financière collective des investisseurs du marché suivi. Parmi les indices les plus connus en dehors du CAC40, il y a le S&P 500 aux Etats-Unis, qui regroupe 500 actions et reflète l’essentiel de la performance financière du marché américain. En Europe, l’Eurostoxx 600 rassemble 600 titres venant de différentes places boursières européennes.
Et alors qu’est-ce qu’un indice ESG ?
Commençons par comprendre ce que veut dire le sigle ESG : c’est un terme qui est utilisé par les investisseurs pour désigner toutes les caractéristiques extra-financières d’une entreprise. Le sigle rassemble trois termes : Environnement, Social et Gouvernance. Lorsqu’une entreprise a une bonne performance ESG, cela veut dire qu’elle met en œuvre des moyens pour limiter son impact environnemental, qu’elle prend en compte les droits de ses employés en assurant un dialogue social, et qu’elle a une bonne structure de direction, avec par exemple des administrateurs indépendants. Parmi d’autres critères il y a parfois la prise en compte des objectifs du développement durable dans leur stratégie. Un indice ESG construit donc un panier d’actions qui a un meilleur « score » ESG que le marché dont il est issu et dont les investisseurs peuvent copier la composition et suivre la performance.
Mais qui détermine ces indices ESG ? Qui les construit ?
Exactement comme pour les indices classiques, ils sont pour la plupart fournis par les sociétés qui construisent les indices normaux, par capitalisation, comme Standard & Poor’s, Euronext en Europe, Dow Jones et un des plus connus dans le monde professionnel, MSCI, qui est à la fois fabricant d’indice et un grand fournisseur de notation ESG pour les institutions financières.
Donc les indices ESG sont composés en représentant plus ou moins les entreprises selon leur performance environnementale, sociale et de gouvernance ?
Oui c’est exactement le principe. On attribue une note globale aux entreprises en prenant en compte tous ces critères différents, on sélectionne les entreprises avec les meilleures notations ESG et on peut construire un indice qui les privilégie. Par exemple, il existe beaucoup d’indices MSCI ESG, qui peuvent prendre en compte la performance ESG dans sa globalité, ou alors prendre en compte uniquement les efforts de réduction d’émissions, ou encore la protection sociale des employés. Le problème c’est qu’aujourd’hui la méthode de construction des indices ESG est pointée du doigt par le monde académique et quelques grandes institutions financières.
Sans rentrer dans les détails, pouvez-vous nous expliquer pourquoi les indices ESG sont critiqués ?
D’une part, la méthodologie pour noter une entreprise varie grandement d’une agence de notation à une autre, ce qui laisse un sentiment confus aux investisseurs pour vraiment savoir quelle entreprise met réellement en œuvre des initiatives pour limiter tout impact négatif, que ce soit sur l’environnement ou sur la société. D’autre part certaines entreprises sont intégrées dans les indices ESG car elles montrent une capacité à se prémunir des risques environnementaux, même si elles ont un impact très négatif. Je prends un exemple simple : une entreprise très polluante met en place une ou deux initiatives pour limiter sa production de déchets, ou pour améliorer les conditions de travail de ses employés. Cela va davantage être pris en compte dans la notation que son impact environnemental désastreux. Certains indices ESG ont donc des méthodologies douteuses et pas assez discriminantes.
Mais alors comment distinguer un « bon » indice ESG d’un moins bon ?
Je dirais que le diable est dans les détails : les investisseurs doivent lire attentivement les méthodologies, pour vraiment distinguer ce qui impacte une notation.
Je dirais aussi que s’appuyer sur un indice c’est une approche un peu anonyme, déshumanisée, il faut sans doute préférer adhérer aux convictions d’un gérant engagé sur l’ESG, qui valorise les critères auxquels on accorde soi-même le plus d’importance, que ce soit le Social, le Climat, l’Environnement, … ainsi on obtient ce que l’on recherche : des efforts de réduction des émissions carbone, l’impact d’une entreprise sur les réserves mondiales en eau, la mise en œuvre de protection sociale pour les employés… Sans oublier que ce qui compte, c’est l’impact global d’une entreprise sur la planète et ses habitants !
Jeanne Gohier au micro de Cécile Dauguet
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
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