Jeanne Gohier, vous nous parlez aujourd’hui de solutions pour refroidir la planète, ce qu’on appelle la géo ingénierie. Est-ce que vous pouvez nous expliquer en quoi cela consiste ?
Cela ne va pas être le scoop de l’année, la planète se réchauffe ! De manière assez logique, plus la température augmente plus les conséquences sont graves. C’est pour cela qu’une partie de la communauté scientifique essaie de modérer, voire limiter le réchauffement climatique à l’échelle de la planète en utilisant des techniques variées : c’est ce qu’on appelle la géo ingénierie.
Ces techniques servent à limiter l’effet de serre ?
Pas seulement, pour identifier différentes techniques il faut d’abord comprendre ce qui réchauffe la planète. La Terre reçoit de l’énergie du Soleil sous la forme de rayonnements : une partie de ces rayonnements sont réfléchis, l’autre partie est absorbée. La planète émet elle-même ses propres rayonnements, qu’elle renvoie dans toutes les directions : à cause de l’effet de serre, une partie des rayonnements de la Terre est renvoyée vers la surface et la réchauffe. Donc finalement et grossièrement, la Terre est réchauffée de deux manières : par les rayons du Soleil qu’elle absorbe, et par ses propres rayonnements qui sont renvoyés vers la surface par l’effet de serre. On peut donc classer les techniques de géo ingénierie en deux catégories : diminuer la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, pour en effet limiter l’effet de serre, mais on peut aussi jouer sur la quantité d’énergie qui vient du Soleil et qui est absorbée par la Terre.
Alors est-ce que quelques techniques sont connues et développées ?
Oui il y a d’ailleurs des techniques assez simples : planter des arbres, pour absorber du dioxyde de carbone, la capture et le stockage du carbone. Il y a aussi d’autres techniques, plus ou moins développées autour du concept de l’albédo sur lequel je voudrais me concentrer aujourd’hui.
Alors parlez-nous de ce concept : c’est quoi exactement l’albédo ?
C’est un nombre qui permet de déterminer la proportion réfléchie et la proportion absorbée par une surface. Plus l’albédo est élevé plus les rayons seront réfléchis, ce qui est le cas pour les surfaces de couleur claire qui ont un albédo très élevé. C’est ce qui explique que l’été il vaut mieux porter des vêtements de couleur claire, parce qu’ils absorberont moins de rayons donc vous réchaufferont moins. C’est exactement le même concept pour la planète : l’albédo global de la Terre est de 30% : elle absorbe 70% des rayonnements du Soleil, et renvoie les 30% restants dans l’espace.
Donc j’imagine que pour refroidir la planète on pourrait augmenter l’albédo ?
Exactement, certaines techniques ont cet objectif. Par exemple, peindre les toits en blanc dans les villes et les zones industrielles pour refléter davantage de rayons. Une autre technique envisagée, plus controversée mais très peu coûteuse : injecter des aérosols à base de soufre dans l’atmosphère. Les aérosols ce sont ces toutes petites particules solides ou liquides en suspension dans un gaz, qui seraient injectés dans l’atmosphère ; cela favoriserait la formation de nuages et augmenterait l’albédo pour réfléchir les rayons solaires.
Mais d’après mes souvenirs les aérosols détruisent la couche d’ozone, ce n’est pas le cas ?
Vous faites sans doute référence au trou dans la couche d’ozone créé par les activités humaines qui a été découvert et étudié tout au long des années 60 à 80… Oui en effet, beaucoup d’incertitudes persistent sur l’emploi de cette technique et ses effets sur l’atmosphère. En injectant des aérosols à base de soufre dans l’atmosphère, l’idée serait d’imiter les éruptions volcaniques qui refroidissent l’atmosphère. Mais un impact négatif sur la couche d’ozone reste possible, et la circulation atmosphérique pourrait être perturbée.
Donc toutes ces techniques permettent seulement de limiter le réchauffement ?
C’est l’objectif recherché, mais on ne peut pas dire qu’il n’y aurait pas d’autres conséquences, ou que cela limiterait d’autres phénomènes environnementaux. D’ailleurs toutes les techniques qui visent à augmenter la proportion de rayonnement solaire réfléchi ont un impact global de refroidissement, mais qui serait très inégal selon les régions du monde. Par exemple, un article a montré que certaines techniques réduiraient les précipitations sur terre, ce qui provoquerait des sécheresses sur certains continents… Toutes ces techniques sont encore expérimentales, elles peuvent contribuer en partie à limiter le réchauffement climatique, et tant mieux d’ailleurs, mais elles ne sont certainement pas LA solution au problème. Donc encore une fois, la priorité reste …
De diminuer nos émissions de gaz à effet de serre et notre utilisation des énergies fossiles ! Merci beaucoup Jeanne pour toutes ces précisions et à la semaine prochaine !
Jeanne Gohier au micro de Cécile Dauguet
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Tous les éditos "Smart for Climate" de Jeanne Gohier sont à retrouver juste ici