C’est LE sujet clivant en matière d’écologie pour cette fin de campagne présidentielle : le développement du parc éolien en France. Aujourd’hui vous revenez sur l’impact environnemental des éoliennes. Qu’en est-il ?
C’est un sujet complexe car le sujet des éoliennes n’est pas tout blanc ni tout noir. Je dirais qu’il faut regarder l’impact environnemental sous deux prismes : celui de l’énergie et des émissions de gaz à effet de serre, et celui de la biodiversité.
Alors justement, on reproche aux éoliennes d’avoir un impact négatif sur la biodiversité, est-ce vrai ?
Oui, selon une étude publiée en 2017, pour les éoliennes qui sont construites dans des couloirs migratoires et des zones protégées, puisque les oiseaux meurent en percutant les pales des éoliennes. Les chauves-souris sont aussi affectées par le changement brutal de pression à proximité des éoliennes qui affecte leur système respiratoire et les tue. Les projets les plus anciens sont souvent les plus problématiques. Cependant, il faut relativiser cet impact avec celui d’autres activités humaines et de la prédation naturelle. On se focalise sur les éoliennes, mais on a tendance à oublier les collisions avec les immeubles, les voitures… Sans parler de l’impact des centrales à charbon et des centrales nucléaires ! Enfin, concernant les éoliennes offshore, les études sur la biodiversité marine concluent plutôt, à ce jour qu’une fois la phase de construction passée, il y aurait des bénéfices.
Parlons maintenant des émissions de gaz à effet de serre. Le bilan est partagé ?
On reproche aussi au secteur éolien d’avoir une empreinte carbone non négligeable. La construction et l’installation des éoliennes demande une dépense énergétique importante. Il faut un socle de béton de 1500 tonnes par éolienne et entre 20 et 40 tonnes d’acier. Or la sidérurgie et la cimenterie sont encore très dépendantes du charbon à coke. Autre facteur pointé du doigt : il faut beaucoup de cuivre et de métaux rares pour construire une éolienne, des matières dont l’extraction est difficile et énergivore.
Mais comparée à d’autres sources d’énergies, l’éolien doit quand même avoir un impact environnemental moindre, sinon on ne les construirait pas !
Une analyse du cycle de vie de différentes sources d’énergie donne un avantage incontesté aux éoliennes par rapport aux énergies fossiles. En calculant l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre d’une éolienne, de sa construction, à son installation, à son exploitation, jusqu’à son démantèlement et à sa destruction, une éolienne va émettre en moyenne 13 gCO2 pour produire 1 kWh d’électricité. C’est 57 fois moins que l’électricité produite avec du gaz naturel est et 83 fois moins que de l’électricité au charbon ! En revanche le nucléaire et l’hydraulique émettent en moyenne 2 fois moins qu’une éolienne : 6 gCO2 pour 1 kWh d’électricité produite.
On leur reproche aussi de détruire les paysages et de faire beaucoup de bruit…
En effet, mais là on entre davantage dans les choix individuels. Les nuisances sonores des éoliennes existent, c’est un peu le même problème que le réseau autoroutier, qui ne peut être bâti sans abîmer des paysages et déranger des riverains. Rappelons qu’aujourd’hui, la régulation impose des contraintes beaucoup plus fortes sur l’emplacement des éoliennes. Le rapport RTE, sorti en octobre 2021, est sans appel : nous devons absolument sortir des énergies fossiles et développer le parc éolien pour respecter notre engagement de neutralité carbone en 2050, et répondre à une forte augmentation de la consommation en électricité.
Pour être complet, dans le contexte actuel, comment les éoliennes se positionnent-elles dans notre problématique de souveraineté énergétique ?
Elles sont évidemment l’une des réponses françaises et européennes à la dépendance au gaz russe. Et l’Europe pourra d’autant plus compter sur l’énergie éolienne qu’elles seront construites dans des zones de vent différentes et complémentaires. Il y a clairement un intérêt à mutualiser les constructions d’éoliennes en Europe.
Est-ce que les investisseurs peuvent jouer un rôle pour contribuer au développer les éoliennes tout en limitant leur impact environnemental ?
Les investisseurs européens sont incités à financer les énergies renouvelables. Ils doivent être transparents sur l’impact de leurs investissements, et donc être sélectifs dans leurs choix d’investissement, en privilégiant les entreprises qui recyclent leurs matériaux, et surtout en encourageant le développement de l’éolien en mer.
Jeanne Gohier au micro de Cécile Dauguet
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
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