Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Jeanne, nous l’avons vu lors des dernières élections européennes, l’écologie prend de plus en plus d’ampleur dans la société. Vous qui gérez des fonds de placement pour épargnants, pourriez-vous nous dire si la finance s’y intéresse aussi ?
La réponse est oui ! C’est le cas en France et c’est le cas dans toute l’Union Européenne. La question du climat est aujourd’hui à l’avant-garde de ce mouvement, parce que le réchauffement est irréversible, donc urgent.
Et quelle en est la raison ? La finance est-elle devenue philanthrope ?
De plus en plus de financiers prennent conscience des enjeux du réchauffement et savent qu’ils peuvent contribuer à la solution. Pour ma part, je suis signataire du Manifeste étudiant pour un réveil écologique et j’entame une thèse sur la prise en compte du climat dans la finance. Cela met mon métier en accord avec mes convictions. Plus généralement, ce thème redonne un sens à la finance, et, vous savez, si les épargnants y adhèrent, les financiers suivront !
Mais comment est-ce que la finance peut contribuer à lutter contre le réchauffement climatique ?
Je dirais plutôt : comment lutter sans la finance ? C’est l’épargne, donc la finance, qui irrigue l’économie et les entreprises. Les investisseurs sont donc ceux qui vont financer la transition.
En bref vous nous proposez d’acheter des fabricants d’éoliennes ?
Pas tout à fait ! Les émissions de gaz à effet de serre impliquent TOUS les secteurs de l’économie.
A quoi ça sert d’acheter des fabricants d’éoliennes si les entreprises ne demandent pas d’électricité verte, ne modifient pas leurs processus industriels, ou ne font pas évoluer leur gamme de produits ?
Il faut agir partout : un financier peut décider d’acheter des actions ou les vendre, selon que les sociétés s’engagent dans la transition énergétique ou la retardent.
Alors, comment lutter contre les Gaz à Effet de Serre dans l’ensemble de l’économie ?
De nombreux métiers émettent des gaz à effet de serre, ils sont dits « bruns » : la production d’électricité, les transports, le chauffage bien sûr, mais aussi les grandes industries, la chimie, l’agriculture.
Ce sont eux qui doivent bouger ; c’est pour ça qu’il faut inclure tous les secteurs bruns de l’économie dans une démarche d’investissement responsable pour la transition écologique.
Croire qu’on aide en excluant ces secteurs, ce n’est pas traiter le problème, c’est seulement lui tourner le dos.
Pour vous donner une idée, un investissement de 35000 euros dans un ensemble d’actions de grandes entreprises, sans aucune préoccupation pour le climat, émet autant de CO2 qu’un couple avec 2 enfants en un an.
Mais il est possible, en choisissant soigneusement, d’investir dans un ensemble d’actions qui représente tout le marché - sans réduire sa part de secteurs bruns - mais émet jusqu’à 30% de carbone en moins.
Donc chacun peut réduire A LA FOIS son carbone personnel ET celui de ses investissements !!