Cette semaine avec Jeanne Gohier, nous parlons d'un secteur qui n’a pas souffert de la crise économique : les cleantechs ! Elles ont la cote et connaissent un engouement depuis quelques années.
Pouvez-vous nous rappeler ce qu’est une cleantech exactement ?
Les cleantechs, ce qui veut dire « technologies propres » en anglais, sont des entreprises qui contribuent à la protection des ressources naturelles. Derrière chaque cleantech, il y a une innovation technologique et une valeur ajoutée environnementale. Cette innovation remplace et améliore les technologies existantes pour minimiser la toxicité environnementale d’un secteur industriel. Les cleantechs sont présentes dans le secteur des énergies renouvelables, le traitement des déchets et l’économie circulaire, entre autres. Je vous donne deux exemples : l’entreprise Neoen construit des parcs photovoltaïques et opère dans le stockage de l’énergie ; l’entreprise Deepki exploite les données énergétiques des bâtiments pour améliorer leur performance et consommer moins d’énergie.
Quelles sont les cleantechs ayant eu le plus de succès cette année ?
Sur l’ensemble de l’année 2020 en France, les cleantechs ont levé 1,2 milliards d’euros , un chiffre aussi élevé qu’en 2018 et 2019, qui montre que le secteur a très bien résisté à la crise. Pour vous donner quelques exemples : le producteur irlandais de centrales photovoltaïques Amarenco a levé 163 millions d’euros. L’hydrogène a aussi été en première ligne des investissements. Deux entreprises françaises sont emblématiques : BackMarket, qui vend du matériel informatique reconditionné, et Ynsect, une entreprise d’élevage d’insectes pour nourrir les animaux d’élevage et les animaux domestiques.
Qui finance ces entreprises ? Elles sont trop petites pour être cotées en bourse n’est-ce pas ?
Absolument. De manière générale, les cleantech naissent en étant des start-ups, c’est-à-dire de très petites entreprises innovantes qui ont un potentiel de croissance très élevé. Elles vont être accompagnées par des types d’investisseurs différents en fonction de leur stade de développement. Les cleantechs suscitent l’intérêt d’investisseurs qui vont financer des projets ou de jeunes entreprises en fonds propres et non par endettement, typiquement avec un horizon de 4 et 7 ans. Et puis, bien sûr, lorsque la commercialisation est entamée, avec plusieurs gammes de produits, une cleantech peut s’introduire en bourse. Elle peut aussi être rachetée par une grande entreprise.
Est-ce que le secteur public participe aussi au financement des cleantechs ?
Oui bien sûr, d’ailleurs le financement des cleantechs fait partie du plan de relance français : 20 milliards d’euros financeront le Programme d’Investissements d’Avenir d’ici 2025 : il s’agit d’aider les innovations et les petites entreprises développement de nouvelles technologies bas-carbone dont les cleantechs.
Est-ce que les cleantechs sont parfois critiquées ?
Oui, elles ont subi les critiques de ceux qui remettent en cause le concept même de croissance verte fondée sur l’utilisation de l’innovation technologique pour contribuer à la transition bas-carbone. L’innovation technologique, qui va de pair avec une croissance économique, est, selon certains, tout simplement incompatible avec une réduction drastique de notre empreinte environnementale. Par exemple, le développement massif des énergies renouvelables requiert une quantité importante de métaux rares, qui pourraient devenir une sorte de nouvel or noir si nous ne réduisons pas notre consommation d’énergie avant d’utiliser des ressources renouvelables.
Ce serait pourtant dommage de les diaboliser…
Ces critiques ont le mérite de nous rappeler que l’innovation seule ne règlera pas la question du réchauffement climatique. Pour autant, elles apparaissent comme positives dans de nombreux domaines, par exemple dans des processus de recyclage, pour éviter la consommation de masse. Pour résumer, elles sont nécessaires mais non suffisantes. Il faut toujours garder en tête l’objectif climatique à atteindre, mais l’investissement massif dans le secteur des cleantechs est une démonstration de l’intérêt des investisseurs pour la transition. Finissons sur une note optimiste : c’est l’innovation technologique est à l’origine des plus grands progrès et d’une amélioration sensible de la qualité de vie, elle peut être mise au service de la transition !
Laurence Aubron - Jeanne Gohier
Jeanne Gohier est analyste sur la finance du climat chez Fideas Capital, qui propose aux Européens d’investir « Smart for Climate », c’est-à-dire de prendre en compte les enjeux du réchauffement climatique dans leurs placements.
Tous les éditos "Smart for Climate" de Jeanne Gohier sont à retrouver juste ici
Image par Katie White de Pixabay