Toutes les semaines, la chronique « L’Europe, le monde, la paix » donne la voix sur euradio à l’un·e des membres du collectif de chercheur·ses réuni·es dans UNIPAIX, le Centre d’Excellence Jean Monnet basé à Nantes Université.
Albrecht Sonntag, Professeur à l’ESSCA Ecole de Management à Angers, vous avez mené une intervention sur l’Europe et la paix hier à l’Hôtel de la Région des Pays-de-la-Loire à Nantes, devant 150 lycéens.
Oui, ils étaient venus de Cholet, de Saumur, du Mans même, pour participer à cet événement très bien organisé par le Service Action européenne de la Région Pays de la Loire dans le cadre du Joli Mois de l’Europe. Près de 200 jeunes en provenance de 6 lycées de la Région ont été accueillis par le vice-président Laurent Dejoie et par Jean Arthuis, ancien ministre et ancien député européen. Et ils ont bénéficié des témoignages de Kenza Lazreq et de Landry Gourdon, respectivement jeune ambassadrice et ambassadeur de l’Office franco-allemand de la Jeunesse, qui ont agréablement baissé la moyenne d’âge des intervenants.
Elle portait sur quoi, votre intervention ?
Je me suis focalisé, dans le but d’ouvrir la discussion par la suite, sur les distinctions conceptuelles entre paix positive et paix négative – ce que j'ai déjà eu l'occasion de faire sur cette antenne – et entre paix intérieure et paix extérieure, en dressant le bilan de l'union européenne sur les deux tableaux.
Rien de bien spectaculaire, en somme. Mais j'ai saisi l’occasion pour faire un petit sondage en profitant des pupitres de vote installé d’office dans ce bel hémicycle, histoire de voir un peu ce que ces jeunes en pensaient spontanément.
Quelle sont les questions que vous leur avez posées ?
Je leur ai proposé quelques affirmations, sur lesquelles ils ont exprimé leur accord ou désaccord. Par exemple celle-ci : « Nous avons besoin de l’Union européenne pour protéger les valeurs démocratiques. » Deux tiers d’entre eux le pensent effectivement, 15% sont indécis, et 16% estiment que ce n’est pas le cas.
Bien sûr, il faut toujours être prudent en évaluant ce genre de sondage spontané effectué sur un échantillon non-représentatif, mais il me semble qu’on peut dire que s’exprime là une prise de conscience de l’émergence d’un monde multipolaire de plus en plus hostile à la démocratie occidentale, dans lequel les Etats européens ne feront pas le poids tout seuls.
D’autant que ces réponses sont quasi parfaitement alignées sur les positions au sujet de l’affirmation selon laquelle, je cite, « L’Union européenne doit agir pour la paix en dehors de ses frontières ». 72% des lycéens présents sont d’accord, voire « tout à fait d’accord » avec cette mission, seuls 17% d’entre eux expriment une réticence.
C’est intéressant, et surtout, c’est une catégorie d’âge souvent négligée par les grands sondages nationaux.
Bien sûr, comme ils ne sont pas encore en âge de voter, les enquêtes des campagnes électorales s’intéressent assez peu à eux.
Puis, j’avais aussi envie de les tester un peu sur deux questions plus controversées : l’idée d’une défense commune européenne, et le besoin d’un nouvel élargissement.
Et alors ?
Les lycéens semblent partager avec les autres générations une certaine appréhension d’un autre élargissement de l’Union. J’avais formulé ma proposition ainsi : « Un élargissement de l’Union européenne peut contribuer à la paix sur le continent ». Et une partie non-négligeable de mon public, un tiers, ne savait pas trop quoi en penser et a choisi l’option « Ni d’accord ni en désaccord ». Près d’un quart n’y adhère pas, près de la moitié seraient tout de même d’accord.
On voit bien que jeune ou moins jeune, tout le monde n’est pas à l’aise avec le saut dans l’inconnu que représente chaque élargissement.
En revanche, pour la proposition « L’Union européenne doit se doter d’une défense commune », le pragmatisme l’emporte largement. Seulement 3 % expriment leur désaccord, les trois quart des participants y étant favorable. Et ils ont raison ! Est-ce que leur génération sera celle qui osera surmonter les prérogatives nationales dans ce domaine ? C’est une autre question. En tout cas, ce n’est pas le bon sens qui leur manque.
Et la discussion par la suite ?
Elle a surtout tourné autour de l’envie de mobilité internationale, et autour de questions sur l’engagement civique dans la démocratie. Questions nombreuses et franchement pertinentes, j’ai été assez impressionné par cette rencontre.
Merci d’avoir partagé ces impressions toutes fraîches avec nous, dans cette chronique portée par UniPaix, le Centre d’Excellence Jean Monnet hébergé par Nantes Université.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.