Cette semaine, nous retrouvons Marie-Sixte Imbert, directrice des opérations de l’Institut Open Diplomacy, pour sa chronique “Relations franco-allemandes”.
Le 22 janvier dernier, nous avons célébré la journée franco-allemande. Pourquoi cette date ? Que célébrons-nous exactement à cette occasion ?
Le 22 janvier, c’est l’anniversaire du traité de l’Elysée, signé en 1963, il y a 59 ans. Mais c’est depuis 2003, et le quarantième anniversaire du texte, que nous célébrons chaque année la journée franco-allemande. Une journée qui a été créée par Jacques Chirac et Gerhard Schröder pour rappeler l’importance, la spécificité, l’originalité aussi de l’amitié franco-allemande. C’est aussi une occasion de découvrir, et de faire découvrir notre voisin.
Et si on avance dans le temps, nous avons également le traité d’Aix-la-Chapelle depuis 2019. D’un traité de coopération, dit “d’amitié”, celui de l’Elysée, nous sommes passés à un traité de coopération mais aussi d’intégration entre la France et l’Allemagne.
Coopération, amitié franco-allemande, et même intégration, les termes sont forts. Le sont-ils trop ?
Des termes très forts, oui, mais bien à la hauteur des enjeux ! Historiques bien sûr, mais également géographiques, politiques, économiques… La coopération franco-allemande est absolument exceptionnelle en matière de réconciliation depuis la Seconde Guerre mondiale. Elle n’a pas toujours été une évidence, mais elle puise sa force dans la volonté partagée de construire un chemin commun. Ce qui suppose de regarder en face nos différences, ce qui nous sépare comme ce qui nous rassemble, pour construire des solutions. C’est le sens en 2019 du nouveau traité, comme de l’accord parlementaire qui a créé l’Assemblée parlementaire franco-allemande. Ces textes ne sont bien sûr pas l’alpha et l’oméga de la relation bilatérale, mais ils lui donnent un cadre utile. Elle peut ainsi être pilotée par le Conseil des ministres franco-allemand, et suivie par l’Assemblée parlementaire.
Cette coopération est d’ailleurs souvent montrée en exemple. On ne s’inspire pas de ce qui échoue, mais de ce qui fonctionne ! L’OFAJ par exemple, l’Office franco-allemand pour la jeunesse, a servi d’exemple pour le Regional Youth Cooperation Office of the Western Balkans, qui vise à favoriser les échanges de jeunes au sein de la région.
Où en est-on début 2022 en matière de coopération franco-allemande ?
Chaque pays est le premier partenaire de l’autre. De même que les responsables politiques se rendent en premier lieu à Berlin, le Chancelier Olaf Scholz est venu à Paris après son élection au Bundestag. Le soir-même d’ailleurs, la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock était venue.
La coopération, fructueuse, est à la fois politique, économique, sociale, culturelle… Le traité d’Aix-la-Chapelle a permis de mettre l’accent sur des projets concrets à la fois symboliques et clés pour la coopération au quotidien. Je pense au Comité de coopération transfrontalière, aux instituts culturels franco-allemands intégrés, au Fonds citoyen franco-allemand qui permet d’appuyer des projets conjoints d’acteurs de la société civile, à la reconversion en commun de la zone de l’ancienne centrale nucléaire de Fessenheim, ou encore à la création du Forum pour l’avenir franco-allemand. Jumelages, associations, font vivre cette coopération. Car il s’agit bien de projets, de relations personnelles, d’un travail quotidien continu. L’apprentissage de la langue de l’autre par exemple peut encore progresser.
Au niveau européen, la présidence allemande du Conseil de l’UE en 2020 a permis de lancer des projets majeurs qui pourront aboutir sous présidence française. Conférence sur l’avenir de l’Europe, ou encore boussole stratégique (c’est le nom du futur livre blanc sur la défense européenne) sont au programme. La France et l’Allemagne sont deux piliers de l’Union européenne : ils ne sont pas suffisants, mais, ensemble, ils sont indispensables à sa construction.
Une coopération historique, donc, forte et renouvelée en 2019 à l’aune d’une volonté politique renforcée. Mais quel est le sens de cette coopération finalement ?
L’histoire nous oblige. Mais il ne s’agit pas que de cela. Notre coopération constitue une force motrice pour l’Union européenne. L’accord européen sur le plan de relance face à la pandémie, en 2020, en a apporté une nouvelle preuve : ensemble, nous pouvons opérer de véritables révolutions. Pour faire entendre ce qui nous réunit : nos intérêts, nos valeurs, et dépasser nos différences. Ce devrait être facilité par le fait que nous sommes sans doute sortis de la crise existentielle du Brexit - notamment car le fonds de relance a permis de stabiliser l’Union.
Les sujets délicats (l’ambassadeur d’Allemagne en France parlait récemment de “désaccords constructifs” lors d’une conférence de la Maison Heinrich Heine) sont certes nombreux, l’énergie, la défense, la politique étrangère. Mais il y a des nouveautés majeures outre-Rhin, en matière sociale (je pense au relèvement annoncé du salaire minimum), ou en matière budgétaire (je pense aux débats sur l’endettement public, et les règles budgétaires européennes). Le nouveau gouvernement fédéral, spontanément pro-européen, n’ouvre sans doute pas tant un tournant dans la relation bilatérale, qu’un nouveau chapitre. Avec un enjeu clé : la confiance. Pour cela, il importe de chercher à se comprendre.
Photo : Crédit : AP Photo / Markus Schreiber
Marie-Sixte Imbert au micro de Laurence Aubron