Cette semaine, nous retrouvons Marie-Sixte Imbert, directrice des opérations de l’Institut Open Diplomacy, pour sa chronique “Relations franco-allemandes”.
La COP26 vient d’accoucher ce week-end d’un accord en demi-teinte. Quel rôle a joué l’Allemagne dans les négociations ?
Cette grand-messe internationale avait un but majeur : se donner à l’échelle internationale les moyens concrets de limiter le réchauffement climatique à 2°C - voire 1,5°C. Et ce d’ici la fin du siècle par rapport à l’ère préindustrielle. Cette réunion de Glasgow avait donc pour but de déterminer les moyens concrets de mettre en œuvre l’accord de Paris. Même si au final le compte n’y est pas encore, avec une trajectoire vers + 2,7 ou +2,1 °C selon les engagements pris en compte. Deux semaines de négociations, pendant lesquelles l’UE a voulu renforcer son image de leader environnemental, avec notamment la France et l’Allemagne.
Deux exemples. L’Allemagne s'est engagée à mettre fin à ses subventions aux projets d’exploitation d’énergies fossiles à l’étranger d’ici fin 2022. Comme la France. Si ces projets ne sont pas adossés à des dispositifs de capture du carbone.
Ou encore, avec les seules Ecosse et Wallonie, l’Allemagne s’est engagée à mobiliser plus de 10 millions d’euros pour les pertes et dommages. Autrement dit, contre les dégâts irréversibles causés par le changement climatique, comme les sécheresses ou les inondations. Et qui concernent surtout les pays du Sud. Un point majeur sur lequel il faudra continuer les efforts.
Au-delà de cette mobilisation lors de la COP26, quelle est l’image de l’Allemagne en matière de protection de l’environnement et du climat ?
En général, l’Allemagne a plutôt bonne presse en matière d’environnement. 50 % de son électricité est d’origine renouvelable. Le pays est un champion des technologies vertes - et a par exemple produit le premier train à hydrogène. Si vous vous souvenez de l’Allemagne dans les années 1990, vous vous souvenez sans doute des poubelles de tri avant de les voir arriver (sous une forme plus simple) en France. Ou vous avez été habitué au principe de la consigne, qu’il a fallu réintroduire en France.
Un chiffre : dans le nouvel indice de protection du climat, l’Allemagne se classe 13e sur 60 pays évalués. Contre 19e en 2020. Ce classement de Germanwatch et du NewClimate Institute concerne des pays responsables de 92 % des émissions de gaz à effet de serre. Les 3 premières places sont laissées libres, pour symboliser le fait selon les auteurs qu’aucun Etat ne fait encore assez.
Cette bonne image de l’Allemagne ne suffit-elle donc pour conclure à ses lauriers verts ?
« Quand on fait le point sur la situation, personne ne peut affirmer que nous avons fait assez ». Je crois que le constat d’Angela Merkel en juin dernier est très clair !
Prétendre le contraire serait passer sous silence la difficulté de la transition, et de sa réalisation concrète à travers tous les secteurs. Ce serait passer notamment sous silence le poids du charbon dans le mix énergétique allemand. Avec un recours important au lignite, le plus polluant des charbons. Un poids du charbon renforcé d'ailleurs par la décision de sortir du nucléaire d’ici 2022, décision qui avait été prise dans la foulée de la catastrophe de Fukushima.
Au printemps 2021, la loi de protection du climat de 2019 a d’ailleurs été retoquée par le Tribunal constitutionnel. Ce dernier demandait des mesures supplémentaires, au nom des conditions de vie des générations futures. A quelques mois des élections, en juin, le Bundestag a ainsi renforcé les objectifs climatiques fédéraux. Objectif de neutralité carbone avancé à 2045 contre 2050, objectifs intermédiaires avancés, programme d’urgence de 8 milliards pour 2022. Soit 80 milliards en deux ans consacrés au climat.
Les négociations en cours pour la future coalition fédérale augurent-elles donc de nouvelles avancées en Allemagne ?
Certainement. Un changement majeur a déjà eu lieu pendant la campagne elle-même. Pour la première fois, la question de la lutte contre les dérèglements climatiques a été au cœur des débats et des préoccupations.
Le point de désaccord des principaux partis : la stratégie à adopter. L’environnement constitue d’ailleurs l’un des principaux points d’achoppement des négociations en cours pour la future coalition fédérale - j’en parlais la semaine dernière. Si le FDP est généralement considéré plus prudent en la matière que les Verts ou même le SPD, tous souhaitent notamment accélérer le développement des renouvelables. Mais les Verts ont fait des propositions fortes pendant la campagne. Comme avancer de 2038 à 2030 la sortie du charbon. Ou encore augmenter le prix de la tonne de CO2 de 35 à 60 euros d’ici 2023, avec une compensation financière pour les automobilistes. Et les Verts entendent porter ces propositions fortes dans les débats.
Les discussions se sont donc tendues autour de la stratégie pour limiter le réchauffement à 1,5 °C. Un objectif auquel le SPD, les Verts et le FDP se sont engagés en octobre dernier. L’enjeu est de taille : la direction suivie par la première puissance européenne au cours des quatre prochaines années.
Marie-Sixte Imbert au micro de Laurent Pététin
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