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La taxation des poids lourds en Europe - La chronique des Jeunes Européens

© Pixabay La taxation des poids lourds en Europe - La chronique des Jeunes Européens
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Chaque mois, les Jeunes Européens de Strasbourg analysent un élément d'actualité européenne.

Pour ce nouvel épisode, Elisa Clolot nous emmène sur les routes d'Alsace et d'Europe, au coeur des rapports de force liés aux différents dispositifs de taxation des poids lourds, et aux enjeux économiques et environnementaux qui en découlent.

Bonjour Romain ! Si vous êtes routier circulant en Alsace, vous aurez à payer d’ici 2027 une taxe poids lourds pour le trafic en transit qui s’appellera R-PASS. Ceci s’explique principalement par le fait que la circulation de tous les camions dégrade les routes, pollue, et encombre le trafic. Selon le site de la Collectivité Européenne d’Alsace, quand on parle de dégradation des routes, un essieu de 13 tonnes d’un poids lourd aurait le même impact que 200 000 voitures. Et il y a également les effets secondaires tels que les risques qui pèsent sur la sécurité sur les routes, ou la fluidité du trafic. Tout ceci génère des dépenses supplémentaires.

Et ce qui a précipité l’adoption de cette taxe en Alsace, c’est une décision allemande. 

Oui, puisque l’Allemagne a instauré en 2005 une taxe appelée la LKW Maut, et l’a augmenté de 80% début 2024, ce qui a ramené le sujet sur la table de la CEA. Parce que cette taxe créé un report de trafic sur les routes alsaciennes, et, toujours selon la CEA, rien qu’2024, Il y aurait 1 470 camions de plus par jour qui circulent sur l’autoroute alsacienne A35, étant donné que passer par la France est maintenant 50 euros moins cher que passer par l’Allemagne. C’est pourquoi le président de la CEA, Frédéric Bierry, a décidé de reprendre le sujet en main. 

Et qu’en est-il dans les autres pays européens, est-ce qu'il existe également une certaine taxe sur les poids lourds ? 

Oui, cette taxe alsacienne s’inscrit également dans un cadre législatif plus large et européen qui tend à harmoniser cette question. Une directive de 2022 du Parlement Européen a un peu clarifié la taxation sur le territoire de l’UE parce qu’avant cela, en fonction du pays, les camions étaient taxés à partir de 3, 7 ou 12 tonnes, en fonction du temps passé sur la route dans certains pays, ou du kilométrage dans d’autres, et par différents systèmes : péage, vignette, par contrôle satellite ou par caméra… Maintenant, les taux de tarification dépendent premièrement des émissions de CO2 et un système européen de vignette de courte durée, d’un ou plusieurs jours, a été mis en place. En revanche, les pays sont libres d’utiliser ou non ce système. La taxe doit être proportionnée au temps passé sur la route, et ne pas dépasser les taux maximaux fixés dans la directive. Cependant, ce sont les Etats-membres qui fixent les modalités de perception et de recouvrement des taxes. Ils peuvent également décider de réduire cette taxe pour certains types de véhicule comme ceux de la police, les ambulances etc.Enfin, la directive étend aussi sa mise en place aux véhicules de plus de 12 Tonnes.  

A ce propos, on parle également de plus en plus d’un autre enjeu européen : les méga camions. Le Parlement européen travaille actuellement dessus.  

En effet. Pour payer moins de taxes, moins de carburant et polluer moins, on voit arriver en Europe de plus en plus de méga camions qui mesurent jusqu’à 25 mètres de long et pèsent jusqu’à 60 tonnes. En France, actuellement,nous avons une limite pour les dimensions et les poids des camions, fixée à 18,75 mètres et 44 tonnes. Le texte européen voté le 12 mars 2024 leur permet une plus libre circulation et de ne plus avoir à demander des accords pour chaque pays qu’ils doivent traverser. Toutefois, selon le compromis trouvé, un pays européen qui ne voudrait pas de méga-camion peut encore leur interdire la circulation.

Les eurodéputés français se sont accordés pour voter contre cette loi en mars 2024. Pourquoi ? 

Il y a plusieurs raisons à cela : premièrement parce que le tracé et la dimension de nos routes en France ne le permettent pas. Mais surtout parce que cela ne règlerait pas les problèmes d’engorgement des routes, ni de sécurité. Par ailleurs, les eurodéputés français ont rappelé qu’un objectif de l’Europe est également de promouvoir les transports verts, le développement des réseaux ferroviaires et le transport de marchandises par train, sans parler du fait que les méga camions malmènent plus des infrastructures routières que les camions dits classiques. C’est donc un vote de principe sur un dossier qui sera amené à évoluer. 

De la taxe alsacienne aux méga camions, les ornières et les détours sont nombreux dans ce long trajet vers la transition écologique.