Chaque mois, les Jeunes Européens de Strasbourg analysent un élément d'actualité européenne.
Pour ce nouvel épisode, Elisa Clolot analyse le fonctionnement des systèmes de coalitions dans l'Union européenne.
Bonjour ! Aujourd’hui je vais vous parler des coalitions gouvernementales. Elles deviennent de plus en plus la norme en Europe, et on voit que même la France s’y est mise. Dans d’autres pays, comme aux Pays-Bas, en Allemagne, en Autriche …. c’est un système tout à fait habituel qui fait pleinement partie du jeu politique. Certains pays, ceux qui ont mis en place la proportionnelle pour les élections notamment locales ou législatives, ont de fait structurellement un système qui va créer un gouvernement de coalition. Bien sûr, chaque régime a des règles différentes, et gouverner en coalition ne fonctionne pas toujours exactement de la même manière selon la constitution de chaque pays.
Ce n’est pas toujours facile de gouverner en coalition. On voit par exemple la Belgique, qui a passé 195 jours sans gouvernement, ou plus récemment le gouvernement français, qui a été renversé par un vote de censure de l’Assemblée Nationale.
Oui c’est vrai, l’Allemagne avait trouvé un accord inédit entre les socialistes, les libéraux et les Verts. Et après avoir tenu depuis 2021, après de nombreuses difficultés, la coalition allemande a finalement éclaté en novembre dernier. Cependant, si d’un côté, on observe une fragilité de ces gouvernements comme en France ou en Allemagne, ce n’est pas le cas partout en Europe. Le politologue néerlandais Arend Lijphart a ainsi montré qu’aux Pays-Bas ou en Belgique, les négociations pour former une coalition gouvernementale peuvent être longues, mais qu’ensuite le gouvernement établi tend à être plus durable grâce à des accords de coalition bien détaillés. Les partis, ayant l’habitude de gouverner en coalition, développent une véritable culture du compromis. Enfin, dernière observation, en ce qui concerne les politiques mises en œuvre par une coalition, même fragile, ont, elles, tendances à perdurer. En effet, ces mesures, pour être adoptées initialement, auront déjà fait l’objet d’un consensus ou d’un compromis entre plusieurs partis, réduisant le risque de voir ensuite cette politique défaite.
Est-ce qu’avec une coalition, nous n'assistons pas plutôt à une fragmentation de la vie politique qui conduit à faire de la place à l’extrême droite ?
Alors, certes, en Autriche en septembre 2024 ou aux Pays-Bas la même année, on a vu l’extrême droite remporter les élections et donc prendre la tête d’une coalition de partis pour accéder au pouvoir et former un gouvernement. D’un côté, on pourrait dire que le système de coalition a favorisé l’extrême-droite, car sans coalition, elle n’aurait pas pu réunir une majorité absolue et gouverner seule. Mais d’un autre côté, on pourrait rétorquer à cette analyse une lecture inverse de la situation : on a aussi vu d’autres pays mettre en place un “cordon sanitaire”, ou un front républicain, comme en France pour les élections législatives de 2024, c’est-à-dire une union des autres partis pour écarter l’extrême droite du gouvernement.
Ce n’est donc pas tant une conséquences du système de coalitions que davantage une question de comportement des groupes politiques ?
Oui et non. Il y a tout de même des tendances induites par le système de coalition : au Parlement européen par exemple, le nombre désormais importants d’eurodéputés d’extrême-droite fait émerger de plus en plus la question d’une nouvelle coalition ou majorité alternative incluant l’extrême-droite. Une majorité alternative, c’est lorsqu’un parti aurait théoriquement une majorité suffisante pour gouverner, mais qu’il n’est pas la majorité qui gouverne. C’est donc un véritable contre-pouvoir à la majorité en place risquant régulièrement de ralentir voire bloquer le processus législatif de l’Union européenne. Mais là où le comportement des autres groupes politiques intervient, c’est lorsqu’un membre de la coalition habituelle, ici le Parti populaire européen (PPE), hésite de moins en moins à voter en accord avec l’extrême-droite ou bien à brandir cette possibilité aux autres membres de la coalition habituelle, pour les inciter à rejoindre les priorités politiques, certes moins extrêmes, du PPE.
Tout ceci semble favoriser l’introduction progressive d’idées radicales dans les coalitions, non ?
Eh bien pas forcément. En effet, des études menées en 2016 par des chercheurs de l’Université d’Amsterdam ont montré que l’extrême-droite, lorsqu’elle arrive au sein d’une coalition gouvernementale, est contrainte d’écarter les éléments les plus radicaux de leur programme, car ces points n’obtiendront pas l’accord des autres partis de la coalition. Pour gouverner en coalition, l’extrême-droite n’a pas d’autre choix que d’être plus consensuelle, et donc moins extrême. Une maigre consolation dans le contexte toujours en cours de montée des extrémismes en Europe.