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Elections en Roumanie : une question en cache une autre..

© Pexels Elections en Roumanie : une question en cache une autre..
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Chaque mois, les Jeunes Européens de Strasbourg analysent un élément d'actualité européenne.

Pour ce nouvel épisode, Elisa Clolot décrypte le contexte qui entoure les élections à venir en Roumanie.

Bonjour Romain ! Et oui aujourd'hui je vous emmène en campagne présidentielle. Alors que le pays s'apprête à voter deux fois, pour les présidentielles les 24 novembre et 8 décembre et aux législatives, le 1er décembre. Dans ce contexte, la Cour constitutionnelle a décidé d'exclure une des candidatures à la présidentielle. C'est celle de la candidate d'extrême droite, pro russe, et nationaliste zélée, Diana Șoșoacă. 

Mais alors pourquoi la cour constitutionnelle a-t-elle décidé de l'exclure de la course à la présidentielle ?

Et bien les raisons qui sont reportées par le journal Politico sont à la fois des raisons d'éligibilité avec des soupçons de fausses signatures de soutien, et à de multiples reprises un court-circuit des instances et procédures nationales au profit de la Russie. Ce qui pose problème également, ce sont des propos antisémites et anti démocratiques qu'elle a tenus. La candidate se voit reprocher des positions limites, complotistes, de la brutalité physique, le non-respect des droits humains envers des journalistes et de la violence dans sa communication,  allant jusqu'à insulter ses adversaires ainsi que des pays entiers sur les réseaux sociaux dans des discours haineux. Au Parlement européen, elle a même écopé d'une exclusion de 7 jours, après s’être opposée au droit à l'avortement, en hurlant, une muselière sur le visage et brandissant la Bible. 

Cette décision de l’exclure de la présidentielle est pourtant controversée en Roumanie. Comment expliquer cela ?

En fait, ce qui est plutôt remis en question, ce sont les méthodes. À commencer par la question de la légitimité de l'organe même qui a déclaré sa candidature irrecevable, la Cour constitutionnelle. Il est composé de 9 juges et est la plus haute juridiction du pays, il est donc impossible de faire appel, à part au niveau international . Les juges n'ayant pas motivé leur décision, on peut leur reprocher un manque de transparence. Cela ne fait qu'ajouter du crédit à la colère et aux propos de la candidate face au public. Diana Șoșoacă a déclaré que les membres du tribunal étaient pro-PSD, le parti social démocrate du pays. Elle insinue qu’ils ont en réalité un agenda politique derrière leur décision.  Relayant les réactions de certains médias comme Deutsche Welle, Eurotopics ou G4Media.ro et responsables politiques comme le premier ministre Marcel Ciolacu ,cela dégrade l'image des institutions auprès des citoyens, et revient donc à renforcer la vague de mécontentement général. 

Qu'en est-il de l'influence de cette décision sur les intentions de vote ?

Diana Șoșoacă était donnée 3eme ou 4ème avec moins de 15% des voix. Maintenant qu’elle est exclue, ses électeurs pourraient se rabattre vers le deuxième parti d’extrême droite, l’Alliance pour l’unité des Roumains (AUR), et son fondateur George Simion, à qui on prédit également 15% mais qui trouve que l’Holocauste est une « question mineure ». Face à lui , trois autres candidats favoris : Mircea Geoană,Secrétaire général adjoint de l’OTAN et l’actuel Premier ministre M. Ciolacu, tous deux du Parti Social démocrate, PSD , et Nicolae Ciucă, du parti libéral conservateur national PNL. 

Quels sont donc les principaux points et les enjeux de cette controverse ?

On voit bien qu'au-delà de la légitimité ou non de la décision de la Cour Constitutionnelle, l'intervention politique de la justice pourrait nuire à la transparence et à l'équité des élections. Un argument qui circule en Roumanie est que, plutôt que d'exclure un candidat par voie judiciaire, il serait plus approprié de le faire par le biais d'un vote populaire. Il y a également un dilemme moral entre le maintien de l'intégrité électorale et la préservation des principes démocratiques​. Jusqu’où peut-on et devrait-on aller pour “protéger le peuple contre lui-même” en l’empêchant de voter pour des candidats anti démocratique. Quand la démocratie signifie donner au peuple le droit de gouverner et donc risque de choisir des candidats anti démocratiques, sur quoi se base t-on pour protéger la démocratie et le système ? Où est-ce qu’on place le curseur de l'extrémisme, et quelle est la position à adopter entre la responsabilité qu’on a et la liberté d’expression légale ? Sur ces questions, il y a encore beaucoup à réfléchir, et c’est un travail collectif que nous devons faire ensemble.