Chaque mois, les Jeunes Européens de Strasbourg analysent un élément d'actualité européenne.
Pour cette édition, Quentin Fady commente certaines publications selon lesquelles la réglementation actuelle en matière d'intelligence artificielle en Europe serait trop floue et nuirait au développement de telles innovations. Entre intérêts des entreprises et questionnements qui demeurent sur des secteurs technologiques qui évoluent rapidement, on fait le point.
Bonjour Romain. Aujourd’hui, on va aborder le sujet de la réglementation européenne sur l’intelligence artificielle (IA). Le 19 septembre 2024, une lettre ouverte a été publiée sur ce sujet. Le document était signé par de nombreuses entreprises, dont Meta et Spotify. Ces dernières dénonçaient le manque de clarté dans la législation sur l’IA, ce qui ne permettrait pas de développer correctement cette technologie dans l’Union européenne (UE) selon elles.
Que dénoncent des entreprises comme Meta et Spotify ?
La lettre met en avant le fait que l’Union européenne fait obstacle à deux aspects. Le premier, celui du modèle ouvert, c'est-à-dire une IA modifiable par tous. Une telle technologie, selon la lettre, permettrait à une entreprise d’utiliser l’IA sans avoir à partager ses données. L’autre point est celui de l’IA multimodale. C'est-à-dire une IA qui permettrait d’utiliser en même temps des images, du son et du texte. Les IA que nous utilisons, pour certains tous les jours, n'utilisent qu’une de ces fonctions. Le texte pour Chat-GPT ou l’image pour Dalle-E. Les entreprises dénoncent des textes législatifs et une application de la loi peu clairs, et qui sont à l’origine de ce frein au développement de l’IA. Pour permettre le développement de l’IA dans l’UE, les entreprises demandent une application de la loi plus harmonieuse et non soumise à l’interprétation de chaque Etat-membre de l’UE.
Quelles législations portant sur l’IA existe-t-il actuellement dans l’UE ?
Il existe le RGPD, règlement général de protection des données. Entré en vigueur en 2018, il encadre le traitement des données en Europe. Il a été conçu autour de trois objectifs :
1) renforcer les droits des personnes
2) responsabiliser les acteurs traitant des données
3) renforcer la coopération entre les autorités de protection des données.
Les entreprises auteures de cette lettre souhaitent désormais que ce RGPD soit modernisé pour y inclure les enjeux de l’intelligence artificielle.
J’ai également entendu parler d’une autre législation, l’AI Act ?
En effet, vous êtes bien informé ! L’AI act ou IA Act a été voté le 1er août 2024 et sera progressivement mis en place jusqu’en 2026. L'IA Act est la première législation générale au monde sur l’intelligence artificielle. Il vise à encadrer le développement, la mise sur le marché et l’utilisation de systèmes d'intelligence artificielle. Toutefois, selon la canadienne Joëlle Pineau, vice-présidente de la recherche en IA chez Meta et directrice générale du laboratoire FAIR (Fundamental AI Research), citée par le journal Challenges, il reste beaucoup d’incertitudes.
Peut-on dire que ces entreprises ont raison ?
Oui et non. Le journal Next, par exemple, trouve que cette lettre pose problème. Elle utiliserait des éléments de langage trop exagérés et le but de cette lettre serait d’aller dans le sens des ambitions de ces entreprises signataires, et pas forcément dans celui du bien commun. Cependant, ce même journal, Next, reconnaît qu’il y a des problèmes concernant la réglementation européenne à propos de l'IA. Comme pour le RGPD, l’interprétation de ce texte diffère selon les pays membres. Je cite : “L’harmonisation n’est pas totale”. Il existe cependant une disposition qui pourrait être en faveur des entreprises, les “bacs à sable réglementaires”. Concrètement, cela permet aux entreprises d’essayer leur technologie sans avoir à respecter toute la législation. La lettre tourne les choses négativement, mais elle pourrait aussi en faire une interprétation favorable. Dire que grâce à ce “bac à sable réglementaire”, on laisse aux entreprises l’opportunité de développer l’IA malgré une loi qui peut sembler floue.
Est-ce que les problèmes pointés par les entreprises ont déjà des conséquences ?
Oui, Meta doit reporter la mise en ligne de sa nouvelle interface d’IA générative dans l’UE. Une IA multimodale, comme nous l’avions expliqué, qui offrirait de nouvelles fonctionnalités, car elle permettrait d'utiliser et de créer du texte, mais aussi des images ou des cartes. Apple a pris une décision similaire, en ce qui concerne son IA Apple Intelligence. Une IA faite pour les iPhone 16 et ultérieurs qui permettrait d’intégrer l’IA dans l’expérience iPhone. Réecrire un sms, modifier une photo, faire des recherches internet plus rapidement. Malgré une étape importante pour légiférer l’intelligence artificielle à grande échelle avec l’IA Act, on voit donc que la réglementation européenne laisse encore des incertitudes parmi les acteurs économiques du continent.
Merci Quentin, et merci à toutes et à tous pour votre attention !