Toutes les semaines, les Jeunes Européens de Strasbourg reviennent sur un des sujets qui ont fait la Une de la presse européenne. Ce lundi, à l'occasion du Centenaire de la création du Consulat suisse à Strasbourg, Théo Boucart retrace l'histoire des relations entre l'Alsace et la Suisse.
Théo Boucart, aujourd’hui vous allez nous parler d’un sujet transfrontalier et chargé d’histoire.
Oui tout à fait. L’année 2022 marque le centième anniversaire de la création du consulat suisse à Strasbourg, ce qui m’a donné l’idée de partager avec nos chers auditeurs une petite histoire des liens entre l’Alsace et la Suisse, bien plus importants que ce qu’on ne croit.
L’histoire commence dès le milieu du Moyen-Âge, lorsque la future très puissante famille des Habsbourg possédait de nombreux territoires héréditaires dans le Sud de l’Alsace et le Nord et le centre de la Suisse actuelle, notamment autour du lac des Quatre Cantons, berceau de la confédération suisse à la fin du XIIIème siècle.
La lutte contre cette grande famille impériale a également mené à la formation de l’une des alliances les plus pérennes entre les cantons suisses et un territoire alsacien, en l’occurrence la république de Mulhouse. A la fin du XVème siècle, la Guerre des Six-Deniers entre les Habsbourg et la ville motive cette dernière à chercher une alliance avec les villes de Berne et Soleure.
Une alliance renouvelée avec les 13 Cantons de la Confédération de l’époque au début du XVIème siècle et qui fera de Mulhouse un “pays allié” jusqu’en 1798, date de l’adhésion de la ville à la France révolutionnaire. Cette alliance très forte a ainsi permis à la république de Mulhouse d’être épargnée lors des conflits sanglants de l’époque moderne, en particulier durant la Guerre de Trente Ans.
On voit bien que le lien entre la Haute-Alsace et la Suisse est historique. Qu’en est-il de Strasbourg et de ses environs ?
En effet, les liens ont été particulièrement étroits entre la Haute-Alsace et les cantons suisses. Néanmoins, on peut raconter quelques anecdotes historiques avec Strasbourg, notamment le fameux épisode du “Hirsebreifahrt”
Explications : la ville libre d’Empire a conclu une alliance avec certains cantons suisses à la fin du XVème siècle, notamment avec les puissants Zurichois. Afin de prouver la solidité de l’alliance, Zurich envoya en 1576 une barque avec une marmite de millet, ou Hirsebrei en allemand, qui arriva en soirée sur les quais de l’Ill. Le but de ce voyage était de montrer que Strasbourg pouvait recevoir de l’aide en moins d’une journée.
Plusieurs monuments commémorent cet événement insolite, en particulier la Fontaine des Zurichois dans le quartier de la Krutenau à Strasbourg (photo en fin d'article), mais également la sculpture d’Auguste Bartholdi dénommée Monument à la Suisse secourant Strasbourg qui se trouve à Bâle.
Une aide helvétique qui est notamment arrivée des siècles plus tard, en l’occurrence en 1870, lorsqu’une délégation suisse a réussi, au péril de la vie de ceux qui la composait, à faire évacuer de nombreux strasbourgeois lors du siège de la ville par les Prussiens. De la même manière, le pays alpin a accueilli de très nombreux Alsaciens lors de l’annexion nazie entre 1940 et 1945.
Quels liens entretiennent désormais l’Alsace et la Suisse ?
De nos jours, les tumultes des conflits ont été remplacés par une coopération transfrontalière pacifique et dynamique. Les deux département alsaciens et cinq cantons suisses du Nord-Ouest, Bâle-Ville, Bâle-Campagne, l’Argovie, Soleure et le Jura, font partie de la Région Métropolitaine Trinationale du Rhin supérieur, l’une des régions les plus dynamiques d’Europe en termes de coopération transfrontalière.
L’Eurodistrict trinational de Bâle regroupe aussi des territoires à l’intersection de la France, de l’Allemagne et de la Suisse. La coopération universitaire entre Alsace et Suisse est également très forte grâce à Eucor - le Campus européen, le seul Groupement Européen de Coopération Territorial porté par des établissements d’enseignement supérieur.
Enfin, on ne pourrait pas mentionner les flux de travailleurs frontaliers, très conséquents du Haut-Rhin vers la région de Bâle. Au milieu des années 2010, plus de 40.000 alsaciens allaient travailler quotidiennement en Suisse. Une mobilité transfrontalière facilitée par un substrat culturel et historique commun.