Chaque mois, les Jeunes Européens de Strasbourg analysent un élément d'actualité européenne.
Pour cette édition, Caroline Baki parle au micro de Romain L'Hostis de la situation des jeunes ressortissants en Grèce depuis 2015; les mesures mises en place par le gouvernement grec et les défis auxquels il fait face.
Romain L'Hostis : Bonjour Caroline, bonjour à tous ! Le 4 octobre 2023, Reporters sans frontières a condamné l’interdiction d’accès pour les journalistes aux camps de réfugiés sur les îles grecques face à la Turquie, en particulier dans le camp de Zervou sur l’île de Servos. Cette situation récurrente est devenue célèbre depuis la crise migratoire de 2015, interroge sur les mesures prises par l’Union européenne ainsi que par l’état grec en matière d’intégration et d’éducation des personnes réfugiées, tout particulièrement des enfants.
Caroline Baki : Bonjour Romain ! Tout à fait, la vague de ressortissants arrivés en Grèce notamment depuis la Syrie avait atteint son pic en 2015. L’année suivante, le gouvernement grec avec le soutien de la Commission européenne, le HCR, c’est-à-dire l'agence des Nations Unies pour les réfugiés ainsi que d’autres Organisations non gouvernementales, avait alors pu initier un projet d’intégration dans l’éducation des enfants réfugiés entre 7 et 15 ans.
R. L. : Il s’agit là d’une mesure prise en urgence!
C. B. : Effectivement, alors que le pays était en train de se remettre de la crise de sa dette publique de 2009, plus de 20 000 enfants réfugiés auraient été accueillis en 2016 selon le Ministère de l'Éducation grec. La période scolaire de 2016 à 2017 a été désignée comme phase de pré-intégration par le ministère de l’éducation grec, à la fois pour une insertion optimale des étudiants mais aussi pour la formation des enseignants. Durant cette période, seulement 3 000 enfants ont pu bénéficier de l’éducation sur le long-terme. En revanche, en 2018 un plan intégral est entré en vigueur.
R. L. : Quelles ont été les actions entreprises pour une intégration réussie?
C. B. : Tout d’abord il convient de dire que depuis 2010 la loi grecque dispose que les réfugiés ont le droit à l’éducation publique. Ce que le gouvernement a fait par la suite était de renforcer cette loi avec davantage de protection législative, et également la mise en place de cours formels et informels avec les agences de l’Organisation des Nations Unies telles que le HCR, ou encore l’UNICEF. Plus concrètement, les élèves de 6 à 15 ans ont pu bénéficier de 3 heures de cours de grec 5 fois par semaine comme deuxième langue vivante, des cours de mathématiques, technologie d’arts plastiques et même de soutien psychologique.
R. L. : La Grèce et le monde entier ne s'attendaient pas à ce qui allait pourtant arriver avec la Covid-19. Quelle a été la réaction du gouvernement grec? Les mesures prises depuis 2016 étaient-elles suffisantes?
C. B. : Cette crise sanitaire n’a pas ralenti la vague de nouveaux réfugiés arrivants. En effet seulement 13,000 des enfants réfugiés (soit 31% des enfants présents entre 2019 et 2020) ont été scolarisés. Selon le rapport de l’association internationale TheirWorld, malgré une capacité d’accueil adéquate, les enfants ont été amenés à ressentir qu’ils n’étaient ni compris ni écoutés. Cela à cause d’un manque de formation et de préparation du côté des enseignants des écoles et de l’insuffisance de soutien psychologique. À cela s’est ajouté une xénophobie externe, beaucoup présente lors de la phase de pré-intégration, venant des locaux et des parents d’enfants grecs. Face à ces problématique, le Ministère de l’Éducation a été à l’origine de deux initiatives entre 2018 et 2022, dont le but était de lutter contre les discriminations et instaurer plus d’inclusion.
R. L. : Aujourd’hui pouvons-nous dire qu’il y a eu une évolution?
C. B. : Oui il y a eu une belle évolution. J’ai pu échanger à ce sujet avec Angelos Vallianatos, conseiller pédagogique grec et formateur d’enseignants. Selon ce qu’il observe sur le terrain, les étudiants ainsi que les locaux sont davantage habitués à se côtoyer. Certains ressortissants décident même de rester en Grèce. Toutefois, il nous met en garde sur une différence de traitement liée au contexte de la guerre en Ukraine. D’après lui, une discrimination positive envers les jeunes ressortissants ukrainiens est remarquée. Ils ont le droit à leur propre système éducatif en Grèce avec des cours en ligne dispensés par le Ministère de l’éducation. Enfin, nous sommes en droit de nous demander si ces mesures différenciées sont avant tout liées à une plus grande facilité d’intégration pour des réfugiés ukrainiens plus proches culturellement des citoyens grecs ou bien si elles constituent une discrimination de fait à l’encontre des ressortissants non-européens ?
Merci à tous pour votre écoute et on se retrouve très vite, pour un nouveau sujet !
Chroniqueuse : Caroline Baki, membre des Jeunes Européens Strasbourg.
Animation : Romain L'Hostis.