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Auditions au Parlement européen : pas d’inflexion en vue de la direction économique de la Commission

© European Union 2024 - Source : EC Audiovisual Service Auditions au Parlement européen : pas d’inflexion en vue de la direction économique de la Commission
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Euronomics sur euradio est une émission du Centre de Politique Européenne, think-tank spécialisé dans l’étude des problématiques réglementaires, économiques et technologiques européennes, dont Victor Warhem, économiste de formation, est le représentant en France.

Bonjour Victor Warhem, aujourd’hui vous allez revenir sur les auditions de l’équipe d’Ursula von der Leyen devant le Parlement européen ces derniers jours …

Oui Laurence, même si cette actualité a été largement éclipsée par l’élection de Donald Trump la semaine dernière, le passage sur le « grill » du Parlement européen des 26 futurs Commissaires et Vice-Présidents exécutifs de la Commission a bien eu lieu, il s’est terminé mardi et a permis d’en apprendre beaucoup sur les cinq années à venir de l’exécutif européen.

Qu’a-t-on appris sur la capacité de la Commission à porter un agenda économique ambitieux lié à une hausse considérable du budget européen dans les années à venir ?

Peu d’éléments concrets permettent à ce stade de soutenir cette vision. Les trois acteurs clés du prochain budget seront trois représentants de l’ « Europe du Nord », souvent peu encline à la dépense : le néerlandais Wopke Hoekstra, en charge notamment de la fiscalité et qui a promis de taxer davantage les pollueurs à un niveau européen mais rien de plus, le polonais Piotr Serafin en charge du budget, et le letton Valdis Dombrovskis, grand connaisseur de la Commission – c’est sa troisième – aux manettes de la productivité européenne, qui, lui, a botté en touche sur la question des investissements massifs promus par les rapports Draghi et Letta dont l’Europe a besoin.

Et où est Stéphane Séjourné là-dedans ?

Stéphane Séjourné, dont on dit qu’il a globalement réussi son passage devant le Parlement sans pour autant démontrer une maitrise exceptionnelle de ses dossiers, sera vraiment concentré sur les questions industrielles comprises dans un sens relativement étroit, incluant les industries notamment vertes, mais pas spécialement les industries de défense, par exemple. Clairement, face à la triade du Nord en soutien d’Ursula von der Leyen, il semble peu en capacité de convaincre ses partenaires de la Commission de prendre un « tournant français » en matière budgétaire. Non, cette Commission acte qu’on le veuille ou non la domination des intérêts allemands en Europe, et il y a peu de chances que sur les questions budgétaires européennes, le bond fédéral nous amenant à 5 ou 6% du PIB pour mettre en œuvre d’ambitieuses politiques industrielles soit à l’ordre du jour à ce stade.

Les auditions de la Commission confirment donc que la France est marginalisée à Bruxelles. Quelles sont les prochaines étapes Victor Warhem, jusqu’à la nomination officielle de la nouvelle Commission ?

Pour les « simples » Commissaires, les commissions du Parlement européen censées se prononcer sur leurs compétences en vue d’exercer leur fonction après leur audition respective l’ont fait positivement – sauf pour Oliver Varhelyi, le candidat hongrois, dont le verdict a été repoussé après une nouvelle salve de questions. Il a buté notamment sur la protection du droit des femmes, qu’il a estimé comme étant hors de son périmètre d’action.

S’agissant des six Vice-Présidents exécutifs, les négociations sont en cours et le Parlement devrait rendre un seul verdict la semaine prochaine, en incluant d’ailleurs Varhelyi. Il se peut que les eurodéputés mettent en avant des problèmes de dénomination de portefeuille, comme pour la roumaine Minzatu, en charge des « compétences », dont l’intitulé de poste ne mentionne ni l’emploi ni les questions sociales. Il se peut aussi que les portefeuilles soient redéfinis à la marge. Il se peut également que des noms soient rejetés comme c’est souvent le cas – on se souvient de Sylvie Goulard en 2019 – et c’est notamment le vice-président italien Raffaele Fitto, en charge notamment des questions de cohésion, qui pourrait être concerné.

Il se peut enfin que le Parlement rejette toute l’équipe de vice-présidents d’Ursula von der Leyen, ce qui conduirait à la redéfinition d’une nouvelle Commission, mais cette probabilité est faible dans la mesure où la bulle européenne veut rapidement se remettre au travail pour se préparer à Trump. Une fois qu’un accord sera trouvé au Parlement, les députés procèderont au vote solennel qui permettra à la Commission de commencer à travailler.

Croyez vous dans une évolution de l’agenda européen après l’élection de Trump, Victor Warhem ?

Je le souhaite ardemment et je ne suis pas le seul : Emmanuel Macron faisait encore intervenir Mario Draghi sur son rapport mercredi dernier au Collège de France. Mais seules la France, l’Italie et l’Espagne se montrent attentives quant aux propositions formulées par l’ancien gouverneur de la BCE. Par ailleurs, des élections allemandes auront lieu le 28 février prochain, et il semble que c’est ce scrutin qui soit clé pour définir une inflexion éventuelle des politiques européennes à venir.

Néanmoins, si ces élections aboutissent notamment sur une grande coalition peu génératrice de changements, l’Europe pourrait de nouveau être confrontée à l’immobilisme, d’autant plus que le futur chef de gouvernement allemand sera probablement le plus fort et le plus légitime en Europe au moment de négocier le cadre financier pluriannuel 2028-2034 l’an prochain.

Une interview réalisée par Laurence Aubron.