L'état de l'État de droit - Elise Bernard

La reconnaissance du mariage pour tous en Europe

Image par Sasel13 de Pixabay La reconnaissance du mariage pour tous en Europe
Image par Sasel13 de Pixabay

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’Etat de droit en Europe, c’est construire l’Europe par le droit et, au quotidien, garantir aux citoyennes et aux citoyens que leurs droits sont respectés partout sur le territoire de l’Union. 

En effet Laurence, et la Cour de justice de l’Union européenne, le 25 novembre dernier, s’est bien fait comprendre en ce sens.

Elle est intervenue en faveur de ce couple marié germano-polonais, de même sexe.

Voilà. Ces deux citoyens, légalement mariés en Allemagne désiraient s’installer en Pologne. Ils demandent, à dessein, la transcription de leur situation maritale à l’administration polonaise. Cette dernière leur refuse cette transcription. Et ce refus tient au fait que le mariage entre personnes de même sexe n’est pas permis en Pologne. 

Oui rappelons que l’article 18 de la Constitution polonaise dit protéger l’institution du mariage « en tant qu’union de la femme et de l’homme ».  

Les requérants ici estiment que le refus de transcription constitue une entrave à leur liberté de circulation. En créant une situation paradoxale, la Pologne oblige à faire coexister deux états civils différents au sein de l’Union : mariés en Allemagne mais considérés comme célibataires en Pologne. Dans ces circonstances, ils estiment ne pas pouvoir poursuivre, en Pologne, la même vie privée et familiale que celle qu’ils menaient en Allemagne.  

Mais les questions d’état civil et les règles relatives au mariage qui s’y rattachent sont des matières relevant de la compétence exclusive des États membres. 

C’est exact. Et jusqu’à présent, le droit de l’Union ne prévoyait pas d’obligation de transcrire dans le registre national d’état civil des actes d’état civil établis dans d’autres États membres, y compris le mariage.   

Cela signifie que cette fois-ci, la Cour de justice privilégie la citoyenneté de l’Union, la liberté de circulation du citoyen de l’Union, le droit à la vie privée et familiale et les principes d’égalité et de non-discrimination aux spécificités d’état civil des Etats membres.

Les Etats membres sont toujours libres de prévoir ou non, dans leur droit national, le mariage pour des personnes de même sexe. Ce qui se passe ici c’est que la Cour considère que la transcription d’un mariage homosexuel ne porte pas atteinte à l’institution du mariage telle qu’elle est envisagée dans l’État membre. 

Elle s’aligne sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme !

Exact! CEDH qui avait par ailleurs déjà condamné la Pologne en 2023 pour violation des droits à la vie privée et familiale sur ce même sujet.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.