L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Accès à la justice pour tous

©European Union 2020 - Source : EP Accès à la justice pour tous
©European Union 2020 - Source : EP

À propos d’Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.

L'Etat de droit c'est l'accès à la justice pour tous mais est-ce aussi le cas pour les demandeurs d'asile dans l'Union européenne ?
 
D'ailleurs le 6 septembre dernier a été jugée par la Cour de Jutice de l'UE la première affaire où Frontex se retrouve mise en cause pour violation des droits fondamentaux.

Qu'est ce que les migrants requérants ont pu invoquer devant la Cour?

Les faits se déroulent en 2016, des migrants syriens arrivent en Grèce et préparent leur demande d'asile. Les autorité grecques et Frontex déploient une opération et transfèrent, sans préavis, les demandeurs d'asile vers la Turquie.

Ah mais ils les ont empêché de plaider leur cause pour obtenir l'asile devant les autorités grecques en fait.

Voilà. La Grèce est un signataire de la Convention de Genève donc elle s'engage à étudier les demandes d'asile donc on voit bien le problème. Quant à Frontex, c'est l'agence européenne des garde-frontières et de garde-côtes, c'est plus difficile de répondre à cette question de manquement.

Cette évacuation vers la Turquie ça implique quoi en termes de droit?

Les requérants syriens soutiennent que s'ils n'avaient pas été refoulés vers la Turquie, ils auraient obtenu la protection internationale, eu égard au contexte sécuritaire de la Syrie en 2016. Frontex les a fait rater cette opportunité, en plus de la violation des principes de non-refoulement, d'interdiction des expulsions collectives, des droits de l'enfant, d'interdiction des traitements dégradants ainsi que de droit à une bonne administration et à un recours effectif.

Quelle procédure a été suivie alors?

Après un recours administratif auprès de l'officier aux droits fondamentaux de Frontex, la voie juridictionnelle a pu être empruntée. Evidemment, la question est importante pour l'agence elle même : quelle responsabilité reconnaître à Frontex, créée pour apporter un soutien aux garde-frontières nationaux. La décision du 6 septembre expose clairement un échec du «système complet de recours».

La CJUE ne peut donc rien pour les Syriens qui n'ont pas pu tenter leur chance en 2016 donc.

Eh bien la Cour commence par le fait que Frontex « n'a de compétences ni en ce qui concerne l'appréciation du bien-fondé des décisions de retour ni en ce qui concerne les demandes de protection internationale ».

Oui puisque l'agence a seulement pour mission d'apporter un soutien technique et opérationnel aux États membres

Eh oui elle ne décide pas du bien-fondé des décisions de retour, puisque c'est l'Etat membre qui est souverain sur son territoire.

Frontex ne décide pas grand-chose finalement.

Ses agents sont quand même supposés avoir un comportement conforme aux droits fondamentaux. Pour sûr, Frontex n'était alors pas en mesure de savoir si la Grèce se conformait bien au droit fondamental de déposer asile pour les personnes refoulées. Mais on pouvait quand même s'attendre à quelques mots des juges sur l'importance du respect des droits fondamentaux en Europe.

 Un entretien réalisé par Laurence Aubron.