L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Les droits fondamentaux face à la régulation migratoire

Image par Rosy / Bad Homburg / Germany de Pixabay Les droits fondamentaux face à la régulation migratoire
Image par Rosy / Bad Homburg / Germany de Pixabay

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’Etat de droit c’est le respect des droits fondamentaux pour tous, y compris les migrants en provenance de partout dans le monde, mais l’équilibre entre enjeux de droits humains, logiques de contrôle et tensions entre États membres est difficile à trouver.

C’est vrai Laurence que l’Union européenne cherche à la fois plus d’uniformité dans ses capacités d’accueil et en même temps à renforcer le mandat de Frontex.

Frontex, c’est l'Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes qui soutient les pays de l’UE et de l’espace Schengen pour tous les aspects liés à la gestion des frontières.

Voilà, l’objectif serait maintenant d’élargir son rôle pour intensifier la coopération avec des pays tiers dans la gestion des migrations, organiser des renvois forcés entre pays tiers, et lui confier un rôle dans des « plateformes d’expulsion » installées hors du territoire de l’Union.

Mais, ces choix, ils semblent plus dictés par une peur politique plutôt que par la réalité économique et humaine.

Clairement. Rappelons-nous que la Biélorussie en a joué, fin 2021, pour déstabiliser la Pologne en particulier. De telles positions contredisent les principes humanistes européens, tendent une perche aux agents déstabilisateurs et ignorent le vieillissement rapide de notre population.

C’est vrai qu’on est un peu perdus quand on voit l’Italie entre un discours populiste anti-migration, des régularisations pour les métiers en tension et des accords avec des Etats tiers inquiétants comme la Libye.

Ce qu’on peut appeler une « migranticisation » détourne les frustrations sociales et mine la confiance démocratique. Alors qu’il est assez clair qu’il existe un besoin structurel de migration plutôt que de la traiter comme un bouc émissaire. Conséquence, depuis dix ans, les initiatives européennes et nationales concentrent leurs efforts sur la limitation des flux, et tragiquement au détriment de la protection des droits fondamentaux.

Depuis l’accord avec la Turquie, l’Union européenne multiplie les accords avec des régimes autoritaires pour bloquer les départs et créer des zones de rétention, avec tous les drames que cela implique.

Eh oui, on en a déjà parlé, 10.000 décès recensés juste pour la route atlantique vers les Canaries espagnoles pour contourner les interceptions en Méditerranée. Cette stratégie, motivée par la peur et le contrôle, transforme l’accueil en barrage bureaucratique, alimente les drames en mer et sur terre, et souligne les contradictions d’une Europe qui se barricade face aux exilés. Et ce, jusqu’à mener des politiques directement contradictoires à ses valeurs fondamentales et à son déclin démographique.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.