L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Elon Musk et le DSA

Photo de Karolina Grabowska - Pexels Elon Musk et le DSA
Photo de Karolina Grabowska - Pexels

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’état de droit c’est le même droit qui s’applique à tous et surtout dans la vie quotidienne on l’a vu la semaine dernière avec la connectique usb C. Mais avec le Digital services act, peut-on dire que l’on marque encore un peu plus notre attachement à l'Etat de droit européen ?

Oui on peut le dire Laurence ! Les réalités économiques ont bien démontré que les processus de marché sont insuffisants pour réguler efficacement l’économie numérique. C’est bien l’objectif des Digital Services Act (DSA) et du Digital Markets Act (DMA).

On se rend bien compte qu’il se passe quelque chose ces dernières semaines, surtout face aux provocations des figures emblématiques de la tech américaine !

Exactement, à les écouter et les lire, on peut se demander si l’Europe est en mesure de faire respecter son cadre réglementaire face à ces mastodontes de l’influence et de l’économie. Et le fait que Elon Musk, depuis le rachat de Twitter (X), multiplie les provocations à l’égard de l’UE, notamment en refusant d’appliquer les obligations imposées par le DSA, me fait me dire qu’il craint cette législation.

Oui la Commission européenne entame un approfondissement de son enquête contre X, une enquête qui donnera lieu à des questions et si les réponses ne conviennent pas, des sanctions pécuniaires seront prononcées.

Oui, et on sait que cela peut aller jusqu’au contentieux à la Cour de justice de l‘UE, avec les précédents Google ou Microsoft.

Mais est ce que le fait que Elon Musk expose sa volonté d’une interférence dans les élections, en Allemagne dernièrement, va aussi dans le sens d’une lutte contre la législation européenne qui est défavorable à ses affaires?

Totalement ! En facilitant la diffusion de désinformations et en permettant une amplification algorithmique de contenus politisés en faveur de ses préférences - des partis anti européens clairement ! - X devient un vecteur d’influence électorale. Cette surreprésentation des partis anti UE met en exergue une fragilité de la transparence du processus démocratique. Elle sème le doute et met surtout en valeur des partis qui sont donc contre toute législation européenne harmonisée. Et une législation européenne harmonisée, c’est le meilleur rempart contre les quasi monopoles américains !

La résistance à la régulation européenne ne se limite pas à Elon Musk, Mark Zuckerberg, patron de Meta, encourage aussi la démultiplication de ce type de contenus.

Bien sûr ! Cet activisme politique illustre une tendance où les entreprises de la tech américaine ne se contentent plus d’opposer des arguments juridiques. Ils cherchent activement à influencer les politiques pour protéger leurs intérêts. Les contenus anti-UE génèrent du trafic et découragent les volontés pour des législations européennes harmonisées et fortes.

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.