Elise Bernard : Docteur en droit public, enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur euradio les traductions concrètes, dans notre actualité et notre quotidien, de ce grand principe fondamental européen qu’est l’État de droit. Ses analyses sont publiées sur la page Europe Info Hebdo.
L’Etat de droit c’est la hiérarchie de normes en d’autres termes, l’importance que l’on donne à un droit par rapport à un autre varie selon les circonstances. C’est ce qui se passe avec la réglementation du Green Deal et des agriculteurs européens ?
Comme souvent, Laurence, oui et non.
Alors pourquoi le oui? Là, cet hiver 2024, on recule sur le Green Deal pour favoriser la PAC?
A l’approche des élections européennes de juin 2024, les manifestations transnationales des agriculteurs trouvent en partie leur fondement dans la relation entre agriculture et environnement et les normes qui en découlent. Mais j’ai bien dit en partie.
Pour le “non”, on a vu que d’autres raisons emportent la colère des agriculteurs européens.
Absolument, la fin des primes diesel décidée par le gouvernement allemand consécutive à la réduction de son budget, la pression des centrales d’achat sur le prix de ce qu’ils produisent, les conséquences du potentiel agricole de l'Ukraine, ces quelques exemples n’ont rien à voir avec le Green Deal.
Si le Green Deal n’est pas la cause de tous les problèmes de nos agriculteurs, l’agriculture n’est pas à l’origine de tous les problèmes en matière de protection de l’environnement.
Exactement. Le débat doit rester équilibré, et juste avec les deux parties. N’oublions pas que la désinformation s’insinue et exacerbe nos fractures pour provoquer la désunion.
C’est clair : nous avons besoin d’une agriculture efficace et le plus possible respectueuse de l’environnement.
Voilà, la PAC a été imaginée à une époque où il fallait nourrir efficacement la population européenne, assurer la sécurité alimentaire. Le Green Deal, en matière agricole, essaie de pousser la PAC à être plus respectueuse de l’environnement, car il y a urgence.
Le Green Deal essaye de pousser? Il n’oblige pas?
Les textes créateurs de droit sont clairs : la PAC doit prendre en compte du mieux possible les éléments du Green Deal la concernant. Cela signifie que chaque plan stratégique national, que chaque État membre présente à la Commission, se voit suggérer des améliorations. Pour mieux respecter le Green Deal.
Pas de sanctions de la part de la Commission en cas de non-respect de ces demandes d’amélioration alors?
Non. Le législateur national suit les recommandations ou pas. Il interprète souverainement sa façon de se conformer au Green Deal.
Mais ralentir la production de textes Green Deal en matière agricole ne sert pas à soulager les agriculteurs? Non, cela tranquillise éventuellement le législateur national – qui a du mal à évoluer - et cela rassure les investisseurs de la pétrochimie.