L'état de l'État de droit - Elise Bernard

Crise de la démocratie en Europe

Crise de la démocratie en Europe

Elise Bernard, docteur en droit public et enseignante à Sciences-Po Aix et à l'ESSEC, décrypte chaque lundi sur Euradio les implications concrètes de l'État de droit dans notre actualité et notre quotidien. Ses analyses approfondies, publiées sur la page Europe Info Hebdo, offrent un éclairage précieux sur ce pilier fondamental de l'Union européenne.

L’État de droit est plus que jamais en danger, plusieurs épisodes précédents l’illustrent mais est ce que ce sont ces attaques qui mettent à mal la démocratie européenne? ou est ce la crise de la démocratie européenne qui provoque l’affaiblissement de l’Etat de droit?

Alors d’abord Laurence, quand on parle de « crise de la démocratie européenne » il faut bien mesurer qu’il s’agit d’abord d’une crise des institutions démocratiques étatiques nationales. Des décisions discutables prises au niveau constitutionnel en Roumanie, ou en Hongrie, tout particulièrement ces derniers temps.

Il semble quand même que l'exaspération sociale nourrit l’insurrection populiste dans toute l’Union européenne.

Absolument, et les ennemis de la construction européenne surfent sur la tendance et sont renforcés matériellement et financièrement à coup de désinformation, de paniques morales et d’opérations de déstabilisation. D’aucuns pensent que la construction doit être ralentie voire détruite, je pose la question des intérêts des uns et des autres à promouvoir un tel objectif.

Cela fait plusieurs fois que l’on parle de la Roumanie, de son élection annulée et maintenant l’arrestation du candidat pro-Kremlin Georgescu par la police.

Il faut attendre l’avancement de la procédure judiciaire pour avoir les tenants et les aboutissants. Tout comme en Bulgarie, où des députés du Parlement ont été arrêtés dans le cadre d’une enquête sur l’attaque des bâtiments de la Commission européenne à Sofia, il y a 3 semaines.

Tout ceci alors que les liens - anciens, années 70’s 80’s - entre Donald Trump et les services soviétiques, puis russes, sont de plus en plus clairement exposés, l’exemple américain du renversement démocratique est un scénario crédible dans de nombreux pays européens.

Mais l’Union européenne ne peut pas empêcher cela !

Les États sont souverains. Souverains dans leurs décisions d’annuler leurs élections, de sortir d’une organisation internationale, de ne pas appliquer un mandat d’arrêt de la CPI… l’Union ne peut qu’envisager des outils, imaginer des boucliers pour faire en sorte que les Etats qui la composent restent le plus longtemps possibles conforme à un modèle d’Etat de droit exigeant.

C’est le fameux « bouclier démocratique », annoncé par Ursula von der Leyen, visant à renforcer la résilience des démocraties nationales face aux ingérences étrangères et à la désinformation.

Oui, pour l’instant c’est très embryonnaire car on voit bien comment les prises de position anti-UE occupent rapidement l’espace communicationnel. Par exemple, en ce moment, en Serbie, le pouvoir en place en Serbie est mis en difficulté par des manifestations quasi quotidiennes depuis l’effondrement, en novembre 2024, d’un auvent en béton à la gare de Novi Sad.

Oui, cette cette tragédie a ravivé une colère contre la corruption qui gangrène la société.

Eh bien figurez vous que maintenant, ces manifestations s’expliquent de plus en plus par une ingérence extérieure de l’Union européenne. Comme s’il était impensable que les citoyens serbes se révoltent contre les abus de leurs dirigeants ayant pour conséquence des drames humains. Eh bien, cette narration, elle participe à renforcer l’idée que l’UE est en crise démocratique, n’a plus rien de démocratique puisqu’elle en vient à vouloir déstabiliser un président de la République de Serbie démocratiquement élu!

Un entretien réalisé par Laurence Aubron.