Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe détaille dans cette chronique 30 propositions de 30 auteur·ices issues du livre "30 idées pour 2030" pour aborder autrement les élections européennes prochaines. Sur euradio.
Dans le chapitre 19 du livre « 30 idées pour 2030 », Pierre Berlioz, directeur Europe et International de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), nous amène à penser la façon dont l’Europe peut renforcer son industrie et sa compétitivité, après des crises sanitaire et géopolitique successives qui ont permis une prise de conscience des européens dans ce domaine.
Comment peut-on accentuer ce renforcement de l’industrie européenne ?
Il est tout d’abord nécessaire d’établir un état des lieux précis des points forts et des points faibles de l’industrie européenne, ainsi que des enjeux qui la constituent. Quelles « failles », par exemple, ont été révélées par les crises des années 2020 et sur quelles bases à fort potentiel doit-on le plus travailler pour nous renforcer ? Cet état des lieux ne peut se faire sans les acteurs concernés, tant patronaux que syndicaux ; et c’est de notre point de vue un préalable aux analyses d’impact des futurs projets.
Justement, en quoi l’analyse d’impact est-elle pertinente par la suite ?
Une telle analyse sur l’impact des politiques publiques et des textes européens est décisive pour déterminer leur compétitivité et la pertinence de leur future mise en œuvre. L’élaboration et la conception des législations et normes européennes doit évoluer vers davantage d’évaluations objectives, et bien sûr le plus en amont possible. C’est pourquoi il nous parait utile d’étoffer les effectifs des directions générales de la Commission européennes, loin de la démagogie ambiante sur les « technocrates » de Bruxelles, avec plus d’équipes dédiées aux analyses d’impact des normes européennes, à même de consulter tous les secteurs et tous les acteurs à l’origine des projets.
La norme reste-elle l’instrument le plus approprié pour renforcer l’industrie ?
Dans le domaine économique, il semble que le rôle de la norme ne soit pas le plus adapté à un renforcement de l’activité dans ces secteurs. Certes la norme est l’instrument quasi exclusif des politiques publiques européennes ; car elle est facile à produire dans un temps court. Mais elle ne peut à elle seule créer d’activité économique, seulement en consolider une déjà existante. La norme peut surtout imposer un cadre trop contraignant, des règles trop strictes qui restreignent l’activité des acteurs économiques et la concurrence entre eux, notamment pour les TPE et PME qui constituent le cœur de l’activité économique française.
En même temps, quand on observe la compétition mondiale, avoir des normes européennes, c’est éviter de subir la domination de normes chinoises ou américaines. Et conforter d’une certaine manière nos entreprises dans la compétition mondiale : savez-vous, par exemple, Laurence, que la norme GSM (Global System for Mobile) est apparue d’abord en Europe (en 1982), conçue par l’Institut européen des normes de télécommunication, avant de devenir une norme internationale en 1991 ? Cela a donné une vraie longueur d’avance aux entreprises européennes du secteur !
Quels sont donc les points importants pour passer de l’élaboration aux actes ?
La Commission européenne doit agir tant sur l’élaboration des projets européens que sur la mise en œuvre. Elle doit pouvoir mettre en œuvre des actions concrètes en se fondant, et c’est un second point important, sur les partenaires sociaux. Ces derniers doivent pouvoir pleinement jouir de leur autonomie, et être mieux écoutés par la Commission européenne lorsqu’elle fait des propositions législatives.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron