30 idées pour l'Europe de 2030

Réformer la politique commerciale de l’Union à l’aune des impératifs d'autonomie stratégique

Réformer la politique commerciale de l’Union à l’aune des impératifs d'autonomie stratégique

Michel Derdevet, président du think tank Confrontations Europe détaille dans cette chronique 30 propositions de 30 auteur·ices issues du livre "30 idées pour 2030" pour aborder autrement les élections européennes prochaines. Sur euradio.

Dans le chapitre 6 du livre « 30 idées pour 2030 », Hervé Jouanjean, ancien directeur général du budget à la Commission européenne (2009-2014), consultant au cabinet King & Spalding, nous emmène sur la direction d’une politique commerciale européenne qui soit en mesure de répondre aux impératifs d’autonomie stratégique.

pourquoi le choix de la politique commerciale comme domaine d’action privilégié de l’action européenne ?

La politique commerciale est depuis la mise en place de l’Union douanière en 1968 un pilier majeur de l’action internationale de l’Union européenne, espace au sein duquel sa présence est reconnue par la scène internationale.

Rappelons que l’Union européenne reste aujourd’hui le premier bloc commercial mondial et a développé de nombreuses relations avec des Etats tiers. Par ailleurs, guidée par les principes fondateurs des Traités et par devoir de cohérence et crédibilité, elle développe des accords de plus en plus complexes dits de nouvelles générations, intégrant notamment des clauses sociales et environnementales en accord avec ses ambitions.

les évolutions géopolitiques, les rapports de force et la fragmentation du monde d’aujourd’hui remettent-elles cette approche en question ?

Il est certain, qu’une prise de conscience européenne s’affirme sur le besoin d’une “autonomie stratégique” autrement dit de considérer les risques de dépendance associés à l’extension de ses chaines de valeur dans un environnement et des partenaires incertains. Nous avons donc besoin de réviser la stratégie européenne en matière de commerce en y intégrant cette composante fondamentale. Il ne s’agit pas de fermer les portes au multilatéralisme et au commerce international, l’une des bases du développement de l’Union européenne, mais bien d’adopter un regard critique sur nos sources d’approvisionnement et sur nos choix commerciaux du court au long terme.

concrètement, quelle stratégie adopter ?

La politique commerciale de l’Union européenne a fait l’objet d’un important développement au fil des années, ainsi Hervé Jouanjean propose de construire sur la base de ces piliers historiques une réponse à nos besoins d’autonomie dans certains domaines.

Concrètement, il appelle à analyser les rapports entretenus avec l’OMC et à ses imperfections et difficultés, à revisiter nos accords de libre-échange et instruments de défense commerciale sous l’aune de cette nouvelle lecture des rapports de force mondiaux et de l’intérêt européen.

cela contribuera-t-il de manière significative à une restructuration de l’économie européenne et à son ambition d’être “plus résiliente et compétitive” ?

Bien entendu, cela ne sera pas suffisant mais une évolution dans notre manière de concevoir la politique commerciale permettra d’y contribuer. Un exemple, en matière de défense commerciale, des instruments existent conforment au droit international mais dont le potentiel est peu exploité par l’Union européenne sous couvert de leur complexité.

Nous pourrions imaginer une revalorisation de ces instruments pour que l’Union européenne soit en mesure de faire valoir sa volonté en cas de non-respect des engagements d’un pays tiers au sein d’un accord ou afin de se protéger de pratiques anticoncurrentielles et ainsi de renforcer l’autonomie et la sécurité des entreprises européennes.

Ainsi, l’Union européenne devrait “forcir” les instruments en sa possession afin de davantage faire entendre ses intérêts ?

L’idée centrale, c’est de convaincre nos partenaires présents et potentiels que l’Union européenne est un acteur crédible et que nous avons, en cas de rupture de coopération, les moyens de répondre aux rapports de force contemporains en cas de refus de coopération. Il s’agit de compléter le dialogue et nos ambitions sociales et environnementales par des mesures et des instruments concrets qui nous permettent de faire entendre notre voix et de renforcer notre sécurité.

Entretien réalisé par Laurence Aubron.