Chaque semaine, Quentin Dickinson revient sur des thèmes de l'actualité européenne sur euradio.
Cette semaine, Quentin Dickinson, vous voulez nous projeter dans l’avenir, c’est cela ?...
Commençons par remonter le temps de quelques décennies : nous sommes au cœur des années 1960, et quelle est la grande crainte collective du moment ?...
Dites-le nous…
C’est la fin du genre humain, prévisible en raison de l’accroissement constant de la population mondiale et de la diminution correspondante des moyens de nourrir ces millions d’hommes et de femmes supplémentaires. La famine généralisée menace à moyen terme tous les continents sans exception – voilà l’évidence du moment.
Les scénarios les plus noirs font recette : par exemple, le grand hebdomadaire américain The Saturday Evening Post (disparu dans sa forme traditionnelle depuis 1970) publiait une série, prévoyant que les gouvernements de la planète s’entendraient pour éliminer la moitié de la population mondiale par des frappes thermonucléaires, qui tueraient sans préavis, de façon instantanée, et donc supposée indolore, les millions de bouches en surnombre. C’était de la pure fiction – ce que tous n’avaient pas compris, à en juger par le courrier des lecteurs.
Mais plus personne n’attache le moindre crédit à cette prévision, Quentin Dickinson…
…plus personne, sauf Elon MUSK, qui rêve de nous déplacer en masse pour coloniser la planète Mars. Plus sérieusement, vous avez parfaitement raison – mais on a trouvé mieux, en l’occurrence en tous points inverse : c’est l’hypothèse de la disparition de l’humanité par la décroissance constatée de la population mondiale.
Pour le coup, peut-on dire que cette tendance est confirmée ?...
En partie, oui, car le taux de fertilité des femmes est en perte de vitesse partout : les deux-tiers des habitants de la planète vivent aujourd’hui dans des pays où cette mesure est inférieure à 2,1 enfants par femme, seuil indispensable au maintien de la population générale.
Les Nations-Unies estiment que la population du globe continuera à augmenter – mais de façon de plus en plus lente – pour atteindre les 10 milliards 300 millions en 2084, après quoi s’amorcera le déclin, tout aussi progressif.
Est-ce à dire que tout est perdu ?...
Non, évidemment. Nous aurons à gérer une population en déséquilibre, lent à redresser, entre les inactifs : enfants et retraités, d’une part, et, d’autre part, les actifs rémunérés. Le débat sur la retraite à soixante ans devrait faire sourire nos descendants. Mais le calcul quantique appliqué à l’intelligence artificielle facilitera une activité industrielle, commerciale, et de loisirs requérant un nombre d’opérateurs bien moins nombreux qu’aujourd’hui.
J’ajoute qu’une population humaine moins élevée, et aux modèles de consommation davantage raisonnés qu’aujourd’hui, ne peut être qu’une bonne nouvelle pour le climat et les écosystèmes naturels de la planète.
Vous voilà plutôt optimiste, si l’on vous suit…
Si vous voulez, oui - mais revenons en 1965 : l’accroissement de la population dans les pays impliqués, directement ou indirectement, dans la Seconde Guerre mondiale et ses suites s’explique en grande partie par le redémarrage de la natalité, dès la paix retrouvée. La réduction redoutée de la production alimentaire se fondait sur le rendement agricole d’avant-guerre, ne tenait nullement compte de la mécanisation des exploitations, de la taille croissante de celles-ci (d’où une efficacité optimisée), des progrès phytosanitaires, et du commerce international.
La grande peur de l’extinction humaine par la surpopulation s’est donc avérée radicalement fausse ; il n’y a aucune raison objective de penser qu’il n’en soit pas de même pour son successeur, la grande peur de l’extinction humaine par le déclin de la population.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.