Mouvement social ou politique, discipline scientifique... l'agroécologie est décidément un terme que tout le monde connait, rejette ou revendique. Dans cette chronique, Edith Le Cadre-Barthélémy, professeure à l'Institut Agro Rennes Angers, décrypte, sur euradio, les différents sens de ce mot.
Après avoir parlé d’agroforesterie, Edith vous souhaitez nous parler aujourd’hui de cultures associées, est ce que vous pouvez en donner une définition ?
Les cultures associées sont 2 espèces ou plus sur une même parcelle pendant une période significative. Les espèces ne sont pas obligatoirement semées et récoltées au même moment. Par exemple dans le cas des cultures associées en relai, les espèces ne vont partager qu’une partie de leur cycle de vie, alors que pour d’autres association les deux espèces cohabitent sur la totalité du cycle de vie c’est à dire depuis le semis jusqu’à la récolte.
A cette subtilité il faut rajouter une autre et non des moindres qui est la manière dont sont agencées dans l’espace les espèces
Il est possible de faire des associations en alternant les rangs ou de composer des bandes de plusieurs rangs d’une même espèce qui s’alternent.
Quels sont les objectifs des cultures associés ?
La production donc le rendement, qui peut être parfois plus important que lorsque les espèces sont cultivées séparément, et plus stables d’une année sur l’autre.
Les cultures associées peuvent aussi être mises en place afin de favoriser l’autonomie protéique des élevages.
Certaines associations permettent d’avoir des rendements plus stables dans le temps.
Dans d’autres situations, l’association permet de diminuer le recours aux fertilisations de synthèse et aux pesticides
Comment expliquez vous que les associations peuvent permettre de limiter le recours aux intrants de synthèse ?
Dans le cas de la fertilisation, la présence d’une légumineuse peut être bénéfique car en fixant naturellement l’azote de l’atmosphère, elle peut le restituer à l’autre espèces grâce aux mycorhizes, des champignons symbiotiques
La légumineuse peut également être détruite par le gel et donc restituer l’azote fixée à l’autre culture.
D’autres processus peuvent être exacerbés en présence de la légumineuse comme par exemple l’acidification localisée autour des racines des légumineuses qui va libérer du phosphore emprisonné dans certains minéraux du sol. Certaines légumineuses mêmes très performantes car elles présentent des racines spécialisées qui sont capables de libérer des composés organiques qui vont acidifier mais aussi stimuler l’activité microbienne des sols pouvant en retour agir sur diverses formes de phoshore organique et inorganique non accessibles aux céréales si les légumineuses ne sont pas présentes.
Et pour les pesticides ?
L’effet de dilution, la protection physique permise par l’espèce associée permettent de limiter le recours aux pesticides.
Il existe donc beaucoup d’avantages apparemment, pourquoi est-ce que ces cultures ne sont pas la norme dans les champs ?
C’est vrai que c’est assez paradoxal particulièrement dans le cas des associations céréales-légumineuse qui ont le potentiel de limiter le recours aux engrais azotés et aux pesticides.
Par contre, dès lors que plusieurs espèces sont implantées, le système de culture est complexifié ce qui peut induire des verrous socio-techniques. Un verrout technique peut être par exemple l’absence de trieur de graines au moment de la récolte, et un verrou social est la faible consommation des légumineuses dans l’alimentation humaine.
Pour reprendre le cas de l’association céréales légumineuses, des pathogènes peuvent subsister d’une époque où la légumineuse était encouragée, ce qui réduit les possibilités de retours de celle-ci aujourd’hui.
Mais il existe encore d’autres raisons, comme le manque de variétés ou le manque d’outils d’aide à la décision
Ce sont donc des raisons multifactorielles
Oui comme bien souvent en agriculture
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.