Quoi de neuf en Europe ?

Quoi de neuf en Europe ? - Nils Gamlin

Pixabay Quoi de neuf en Europe ? - Nils Gamlin
Pixabay

Chaque semaine sur euradio, Perspective Europe, l'association du master "Affaires européennes" de Sciences Po Bordeaux, revient sur l'actualité bruxelloise et européenne. 

Alors Nils, dites-moi, quoi de neuf à Bruxelles ?

Eh bien, une avancée importante mais encore insuffisante pour la défense européenne. Vingt États membres de l’Union européenne se sont mis d’accord pour effectuer des achats conjoints d’armes et de munitions dans le cadre d’un programme appelé EDIRPA. Ce programme sera doté de 300 millions d’euros. L’objectif principal est de reconstituer les stocks militaires, qui se sont fortement réduits avec l’aide apportée à l’Ukraine, et de renforcer l’intégration des systèmes de défense européens.

300 millions d’euros, ça semble impressionnant sur le papier, mais est-ce vraiment suffisant pour faire une différence ?

C’est symbolique, mais clairement insuffisant au regard des besoins actuels. Pour vous donner une idée, équiper une armée moderne, même partiellement, coûte plusieurs milliards d’euros. Les systèmes de défense et les équipements comme les véhicules blindés ou les munitions, qui sont au coeur de ce programme, sont particulièrement onéreux. Ces 300 millions d’euros permettent surtout de lancer une dynamique de collaboration entre les États membres, mais ils ne résoudront pas les lacunes actuelles en matière de défense.

Alors pourquoi démarrer avec un budget si limité ? Est-ce un manque de moyens ou d’ambition ?

C’est une question délicate. D’un côté, ce programme est pensé comme un projet pilote. Il permet aux États membres de tester la faisabilité d’achats communs et de mieux coordonner leurs stratégies. D’un autre côté, il révèle aussi une réalité politique : la défense reste un domaine où les États membres sont très attachés à leur souveraineté. Ils préfèrent souvent investir directement dans leurs propres industries nationales, plutôt que de déléguer des décisions à Bruxelles. Ce budget modeste est donc le reflet de compromis politiques entre les différents membres de l’Union.

Quels types de matériel vont être achetés dans le cadre d’EDIRPA ?

Les achats incluent des systèmes de défense aérienne comme les Mistral de courte portée ou les IRIS-T de moyenne portée. Ces systèmes protégeront contre les menaces aériennes comme les drones ou les avions de combat. Il y a aussi des projets pour des véhicules blindés de transports de troupes, qui seront développés conjointement par l’Allemagne, la Finlande, la Lettonie et la Suède. Enfin, différents types de munitions d’artillerie sont également prévus, car elles sont massivement utilisées dans le conflit en Ukraine.

Et en dehors des aspects militaires, quels sont les objectifs économiques de ce projet ?

C’est là où EDIRPA prend tout son sens. En centralisant les commandes, l’UE espère encourager les économies d’échelle pour ses industries de défense. Cela donne aussi aux fabricants européens une meilleure visibilité sur le long terme, leur permettant d’investir davantage et de monter en puissance. À terme, l’objectif est de créer un complexe militaro-industriel européen capable de rivaliser avec les grandes puissances, tout en garantissant une certaine autonomie stratégique. Mais encore une fois, ces ambitions nécessiteront des budgets beaucoup plus importants que les 300 millions actuels.

En somme, peut-on dire que l’Europe militaire est en train de naître, ou est-ce encore un vœu pieux ?

Nous sommes encore loin d’une Europe militaire véritablement unifiée. EDIRPA est une première étape, et une étape importante, mais elle reste largement symbolique. Elle montre que l’Union commence à poser les bases d’une stratégie commune, mais il reste beaucoup à faire. Les budgets devront être augmentés, les visions stratégiques harmonisées, et surtout, la confiance entre États membres renforcée. Cela dit, on peut aussi voir cette initiative comme un signal positif : l’Europe commence à comprendre que sa sécurité passe par une coopération plus étroite. Le chemin sera encore long, mais l’essentiel c’est qu’il soit entamé.

Une interview réalisée par Laurence Aubron.

Épisodes précédents