Chaque semaine sur euradio, Perspective Europe, l'association du master "Affaires européennes" de Sciences Po Bordeaux, revient sur l'actualité bruxelloise et européenne.
Bonjour Léa Dausse, vous êtes étudiante du master Affaires européennes de Sciences Po Bordeaux et membre de l’association Perspective Europe. Alors dites-moi, quoi de neuf à Bruxelles cette semaine ?
Le mercredi 27 novembre, les eurodéputés, réunis en session plénière à Strasbourg, ont validé la composition de la nouvelle Commission européenne, six mois après les élections européennes de juin 2024. Le nouvel exécutif européen, toujours présidé par Ursula von der Leyen, est entré en fonction il y a deux jours, le dimanche 1er décembre, pour un mandat qui prendra fin en 2029. La particularité de ce nouveau collège de commissaires, c’est qu’il a été élu avec une très faible majorité, seulement 54% des voix, et c’est la plus faible obtenue par une Commission européenne depuis 30 ans.
Mais alors, comment expliquer une telle division au sein de l’hémicycle ?
Et bien tout d’abord par l’important climat de fragmentation politique qu’il y a en Europe, et notamment par la hausse des partis eurosceptiques au Parlement, mais également par des disparités au sein même des groupes politiques. Alors même que les groupes de gauche radicale, et d’extrême-droite, tels que « Patriotes pour l’Europe » et « Europe des nations souveraines » ont voté contre le nouveau collège de manière uniforme, d’autres formations ont voté en majorité pour, tout en étant assez divisées. C’est le cas de la formation écologistes « Verts/ALE » et des sociaux-démocrates, au sein desquels les eurodéputés français se sont opposés à cette Commission. Ils lui reprochent la présence de l’Italien Rafaelle Fitto, membre du parti d’extrême droite Fratelli d’Italia, qui s’est par ailleurs vu attribuer un titre de vice-président.
Et en ce qui concerne la composition de cette nouvelle Commission, justement, de quelles formations sont issus ses membres ?
Alors globalement, le nouveau collège de commissaires penche à droite. Parmi ses 27 membres, 12 sont rattachés aux conservateurs du PPE (Parti populaire européen), 5 sont affiliés aux partis libéraux, rassemblés au sein du groupe Renew Europe, et 4 font partie du PSE, le Parti socialiste européen. Cinq commissaires sont classés comme « indépendants ». Quant à Raffaelle Fitto, il est rattaché au groupe des Conservateurs et réformistes européens. Le commissaire français, Stéphane Séjourné, est également vice-président, et il est en charge de la Prospérité et de la Stratégie européenne.
Et quelles sont les priorités de ce nouvel exécutif ?
Il y a trois priorités principales : celle de renforcer la compétitivité économique, celle d’accélérer la transition écologique, et celle d’assurer la sécurité et la défense. En ce qui concerne la compétitivité, l’objectif est de simplifier les démarches administratives et d’accélérer les différents processus pour favoriser les entreprises, et ainsi attirer les investissements. Du côté de la transition écologique, la Commission continue à oeuvrer dans le cadre du Pacte vert, et présentera un nouveau plan pour une industrie propre dans les 100 premiers jours de son mandat. Enfin, à propos de la sécurité et de la défense, l’enjeu est d’être en mesure de rivaliser avec les dépenses militaires russes, d’autant plus que l’issue de l’élection américaine, avec le retour de Donald Trump, engendre un risque de repositionnement des Etats-Unis dans le conflit.
Mais alors, en raison de la faible majorité avec laquelle cette nouvelle Commission a été élue, à quels défis peut-elle s’attendre, et comment peut-elle réussir à agir efficacement, et à mettre en place un agenda aussi ambitieux ?
Effectivement, comme nous l’avons vu tout à l’heure, le soutient du Parlement envers cette Commission est relativement limité, donc chaque décision devra être rigoureusement négociée. Il est vrai que son agenda est ambitieux, d’autant plus que les citoyens européens ont des attentes sur des sujets cruciaux, tels que le coût de la vie, ou encore le climat. L’enjeu sera donc pour la Commission de réussir à faire consensus et de maintenir une certaine unité parmi les Etats-membres, ainsi que d’agir assez rapidement pour faire face à des défis de taille comme celui que représente la guerre en Ukraine.
En tout cas, la validation de cette nouvelle Commission marque la fin d’une longue période de renouvellement des principales institutions, qui a débuté en juin, au lendemain des élections ; et on peut notamment noter que ce dimanche, le nouveau président du Conseil européen, le portugais Antonio Costa, est également entré en fonction. Il sera intéressant d’observer, dés les prochaines semaines, les premiers effets de ces nombreux changements à Bruxelles.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.