Quoi de neuf en Europe ?

Quoi de neuf en Europe ? - Lucie Cassard

Photo de Andrés  Ramírez - Pexels Quoi de neuf en Europe ? - Lucie Cassard
Photo de Andrés Ramírez - Pexels

« Quoi de neuf en Europe ? », c’est le nom de la chronique hebdomadaire réalisée par l’association Perspective Europe, regroupant les étudiants du Master Affaires Européennes de Sciences Po Bordeaux. Leur mission ? Décoder pour vous l’actualité de l’Union européenne de la semaine passée. Et nous en parlons tout de suite avec Lucie Cassard.

Alors, dites-moi Lucie : quoi de neuf en Europe ?

Plein de choses, comme toujours ! Mais cette fois, je vous propose de nous attarder sur ce qui ne s’est pas passé à Bruxelles, mais à Cali en Colombie… Sur un événement dont la médiatisation a semble-t-il été inversement proportionnelle à son importance et qui pourtant nous concerne très directement : la COP16 sur la biodiversité.

La COP16, donc, cette conférence internationale sur la protection de la biodiversité, quel rôle y joue l’Union européenne ?

La participation de l’Union européenne aux COP comme celle-ci est une affaire complexe. La protection de la biodiversité, comme le climat, est une compétence partagée entre les États membres de l’UE et la Commission européenne. Pour ces enjeux environnementaux mondiaux, la Commission coordonne et représente une position unifiée des 27 pays de l'UE. C’est donc la Commission européenne qui porte la voix de l’UE aux négociations, et c’est essentiel pour influencer les décisions au niveau global.

Et cette préparation, comment se passe-t-elle ? Ce n’est sûrement pas de l’improvisation.

Non en effet, en amont de la COP, la Commission européenne prépare une position commune avec les États membres, dans un cadre de consultations intensives. Ce sont des mois de discussions au sein de divers comités, comme le Comité de politique environnementale de l'UE. Ensuite, le Conseil de l’UE valide cette position, ce qui garantit que tous les États membres soient d’accord sur les objectifs et les actions à défendre. En pratique, l’UE est représentée à la COP par une délégation européenne, avec des experts de la Commission et des représentants des États membres, tous coordonnés pour parler d’une même voix.

Intéressant ! Et à Cali, quels étaient les sujets importants pour cette COP16 ?

Il y avait plusieurs enjeux cruciaux cette année, en lien avec la mise en œuvre de l’accord de Kunming-Montréal adopté lors de la COP15 en 2022. On y retrouve l’objectif de protéger 30 % des terres et des mers d’ici 2030, mais aussi la réduction de l'usage des pesticides et la lutte contre la propagation des espèces exotiques envahissantes, comme le fameux frelon asiatique ou l’écrevisse de Louisiane qui perturbent les écosystèmes français.

L'UE avait déjà soumis son plan de mise en œuvre de cet accord avant la COP, au sein duquel on retrouve par exemple la Loi sur la restauration de la nature et le programme « Fit for 55 » pour renforcer la résilience écologique de ses territoires.

Et la question du financement, alors ? Il me semble que c’était aussi au cœur des discussions.

Vous avez bien raison ! Le financement est un sujet brûlant, particulièrement entre les pays en développement, qui réclament davantage d’aide pour mettre en oeuvre leurs actions, et les pays développés. Le groupe des pays africains, par exemple, a demandé la création d’un nouveau fonds multilatéral pour remplacer l’actuel, jugé insu􀆯isant et inéquitable. Mais, la proposition finale, a seulement été de créer un « processus de discussions », repoussant une vraie décision… jusqu’à la prochaine COP en 2026, en Arménie.

Donc, après ces deux semaines de négociations, pas de réponse immédiate à cette question du financement ?

Exactement, et c'est bien ce qui a déçu nombre de participants et d’associations. En parallèle, il y avait un autre point de tension : le partage des bénéfices liés aux données génétiques numériques, utilisées par des industries, notamment pharmaceutique et cosmétique (par exemple pour produire un arôme de vanille). Le projet de « Fonds Cali » pour redistribuer une partie des profits a fait l’objet d’un compromis, mais ce n’est qu’un début.

L’obligation pour une grande entreprise qui utiliserait ces données de contribuer à ce fonds pour aider les pays en développement à protéger la biodiversité reste bien floue.

Et après une COP comme celle-ci, comment s’assure-t-on que les décisions prises sont mises en oeuvre ?

Après la COP, chaque pays doit traduire ces engagements en stratégies et actions concrètes. L’UE, par exemple, a déjà mis en place des réglementations pour répondre aux objectifs de Kunming-Montréal, avec des cibles claires dans sa Stratégie pour la biodiversité 2030. En ce qui concerne les États membres, ils doivent à leur tour soumettre leur feuille de route nationale, même si dans ce cas précis, seuls neuf d’entre eux l’ont fait…

D’accord, le bilan de cette COP16 est donc, au final, un peu mitigé pour l’UE ?

Oui, c’est vrai. Si certains progrès ont été faits, comme la création d’un organe pour représenter les peuples autochtones dans la Convention sur la diversité biologique, les avancées sont limitées sur le financement et l’action concrète. L’Union européenne, par exemple, a montré une certaine retenue vis-à-vis de la création de nouveaux fonds. Et, malgré ses ambitions affichées, l’UE a aussi été critiquée pour des reculs internes, comme la récente réautorisation du glyphosate, l’abaissement des standards environnementaux de la Politique Agricole Commune ou encore le projet de report de la loi contre la déforestation importée.

Une interview réalisée par Laurence Aubron.