Eness Ciobanu est Assistant académique au sein du département Politiques et gouvernance européennes (POL) au Collège d’Europe.
Il est diplômé de la promotion David Sassoli 2022 – 2023 du Collège d’Europe. Il a précédemment étudié à Sciences Po Paris où il a suivi une formation pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales avec une spécialisation sur l’Union européenne et les pays d’Europe centrale et orientale en Licence, puis une formation en Affaires européennes et administration publique en Master. Durant ses études, il a travaillé au Sénat de Roumanie au sein du Service des affaires européennes pendant la présidence roumaine de l’UE (2019), au Conseil de l’Union européenne au sein de la Direction Générale Politique institutionnelle et générale et à l’Assemblée nationale au Secrétariat de la Commission des affaires européennes pendant la Présidence française de l’UE.
Qu’est-ce que c’est l’élargissement de l’UE ?
La politique d’élargissement représente le processus d’intégration de nouveaux Etats à l’Union européenne. Ces Etats doivent remplir les trois critères dits de Copenhague : politiques, économiques et administratifs-institutionnels.
La méthode de l’adhésion consiste en la négociation et l’évaluation du progrès du pays candidats à travers 35 chapitres thématiques. Cette méthode a été révisée pour accorder une importance première aux chapitres concernant les réformes fondamentales en matière d’Etat de droit, des droits fondamentaux, du renforcement des institutions démocratiques, de la réforme de l’administration publique ainsi que du développement économique et de la compétitivité. Cette réforme vise à avancer les négociations dans les domaines mentionnés antérieurement car ils forment un socle politique commun avant d’avancer sur les domaines dits techniques comme les politiques sectorielles.
Aujourd’hui, les pays concernés par l’élargissement sont ceux des Balkans occidentaux, le trio oriental (Moldavie, Ukraine et Géorgie) ainsi que la Turquie.
L’Union européenne doit-elle continuer le processus de l’élargissement ? Si oui, qu’est- ce que cela signifie pour elle ?
Il existe deux raisons principales en faveur de l’élargissement, une qui est historique, et la seconde est géopolitique.
Historiquement, l’Union européenne est un projet de paix et de réconciliation entre les pays européens. Plusieurs événements ont favorisé l’élargissement de l’Union : la guerre froide, l’effondrement de l’espace soviétique et les agressions militaires russes envers les pays de son voisinage.
D’un autre côté, l’Union doit faire face à la concurrence économique et idéologique proposée par d’autres pays comme la Chine, la Russie ou la Turquie dans certains pays candidats. De ce point de vue, l’Union doit se montrer proactive et proposer un modèle économique et politique basé sur les valeurs européennes.
Dans ce contexte, la réflexion engagée sur la réforme et l’adaptation de l’élargissement à la situation actuelle et aux pays candidats actuels est cruciale car l’élargissement est un processus qui affecte non seulement les pays candidats mais aussi les Etats Membres. Pour les pays candidats la perspective européenne représente l’espoir d’une consolidation démocratique et économique.
Du côté de l’Union, l’élargissement change profondément les rapports politiques entre les Etats Membres, les politiques internes de l’Union ainsi que le fonctionnement des institutions.
Vous avez mentionné le fait que l’élargissement changera non seulement les pays candidats mais aussi l’Union européenne. Quels sont les aspects qui seront touchés par un éventuel élargissement ?
Il y a trois domaines dans lesquels l’élargissement révélera les limites de l’organisation actuelle de l’Union. Il s’agit de l’Etat de droit, la composition et le fonctionnement des institutions européennes, et finalement le budget européen et par conséquent les politiques redistributives de l’Union, à savoir la politique agricole commune et le fonds de cohésion.
Le budget européen a toujours été le nerf de la guerre entre les gouvernements européens. Il faut souligner que le budget européen est assez réduit. Il représente 1% du total des richesses produites dans l’Union. En valeur absolue, le budget européen est plus petit que le budget national belge ou autrichien. Au sein de ce petit budget, la PAC et la politique de cohésion représentent environ 65% des dépenses totales de ce budget.
Les principaux Etats Membres bénéficiaires de la PAC sont la France, l’Espagne, l’Italie, l’Allemagne et la Pologne. Pour la politique de la cohésion, les principaux bénéficiaires sont la Pologne, l’Italie, l’Espagne et la Roumanie.
Dans ce contexte, l’entrée éventuelle de l’Ukraine et des pays des Balkans occidentaux dans l’Union, à budget constant, représentera une réduction considérable des fonds de la PAC et de la politique de cohésion pour tous les Etats membres, anciens et nouveaux.
Ces deux politiques, au-delà de leur importance économique évidente, sont également deux politiques qui ont rendu l’Union européenne connue auprès des citoyens et qui a renforcé son légitimité politique. Les effets politiques d’une réduction proportionnelle des fonds de ces politiques pour les Etats membres peuvent être néfastes.
Pour ces raisons, la première réflexion que l’UE et les Etats membres doivent engager est celle de la réforme du budget européen et notamment l’amélioration de la structure des ressources propres.
Un entretien réalisé par Laurence Aubron.