Chaque semaine, la série de podcasts "L'Europe vue de Bruges" propose un éclairage original sur l’actualité européenne, vue depuis Bruges. Les intervenant·es sont des étudiant·es de la promotion Jacques Delors (2024-2025), des Assistant·es académiques et, plus ponctuellement, des professeur·es.
Carolina Bogatiuc, actuellement étudiante en master de politiques européennes et gouvernance au Collège d'Europe à Bruges (promotion Jacques Delors), a précédemment servi comme conseillère puis cheffe de cabinet de l'ancien ministre moldave des Affaires étrangères et de l'Intégration européenne, Nicu Popescu. Aujourd'hui, elle intervient comme experte en affaires européennes à l'Institut pour les initiatives stratégiques (IPIS) et assume également le rôle de directrice exécutive de l'ONG « Citoyens pour l'Europe.»
Il y a quelques jours, en Moldavie, s'est tenu le référendum sur la modification de la Constitution concernant l'adhésion de la République de Moldavie à l'UE – un passage à la limite. Qu'est-ce que cela signifie et peut-on le considérer comme une victoire ?
Depuis l'étranger, en observant ce qui s'est passé récemment chez moi, je ressens un mélange d'émotion et de responsabilité. Le référendum pour l'adhésion à l'UE a été un moment historique pour la Moldavie. Bien que le résultat ait été serré, c'est sans aucun doute une victoire. Très souvent dans l'histoire de l'Europe, les grands changements sont venus après des décisions prises à la limite. Regardons l'exemple de la Suède et de Malte, qui ont rejoint l'Union européenne avec une marge très étroite – 52%. Même le Traité de Maastricht, qui a fondé l'Union européenne d'aujourd'hui, a été approuvé par référendum en France avec 51% de votes favorables. Malgré tout, ces pays sont aujourd'hui pleinement intégrés à l'UE et ont grandement bénéficié de cette décision. La Moldavie peut suivre le même chemin.
Bien que certaines forces internes aient tenté de nous décourager, les citoyens ont fait preuve de courage. C'est un moment critique, mais aussi une opportunité que nous ne pouvons pas laisser passer. La Moldavie n'a qu'une seule direction – celle de l'Europe, car l'avenir du pays dépend d'une intégration qui apporte stabilité, sécurité et opportunités économiques pour tous. De telles occasions sont rares, et au cours des 30 dernières années, chaque chance manquée a été une opportunité perdue pour le développement et la prospérité. Aujourd'hui, nous avons devant nous la chance de rejoindre la grande famille européenne, de renforcer notre démocratie et d'assurer un avenir meilleur à chaque citoyen moldave.
Quels ont été les signaux de partenaires externes et que peut attendre la République de Moldavie à présent ?
De l'extérieur, je vois à quel point le soutien venant des acteurs internationaux est important. Les messages provenant des capitales européennes ont été clairs : la Moldavie a sa place en Europe. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a salué publiquement le courage du peuple moldave, tandis que Roberta Metsola, présidente du Parlement européen, a affirmé que l’Europe est la Moldavie, et que la Moldavie est l’Europe. C’est un moment de solidarité inédit, où la communauté européenne soutient fermement la voie de la Moldavie, malgré toutes les difficultés.
Cependant, après ce vote, commence le vrai travail. Des réformes essentielles doivent être mises en œuvre, tant dans le domaine de la justice que dans l'économie, et la stabilité politique sera nécessaire. Ce ne sont pas seulement des exigences imposées par Bruxelles, mais des besoins réels pour construire une Moldavie forte et prospère. Ce qui est important à savoir, c'est que nous ne sommes pas seuls dans cet effort. L'Union européenne sera à nos côtés à chaque étape. Néanmoins, au final, le succès de ce parcours dépend de nous, de l'unité et de la détermination de chaque citoyen à contribuer à la transformation de notre pays.
Quelles réformes clés souhaitez-vous voir mises en œuvre en Moldavie pour renforcer son intégration européenne ?
Pour renforcer l’intégration européenne de la Moldavie, il est essentiel de mener des réformes qui répondent aux attentes des citoyens. En premier lieu, une réforme de la justice pour garantir transparence et indépendance, nécessaires pour combattre la corruption et restaurer la confiance dans l’État. Ensuite, une transformation économique axée sur l’attraction des investissements et la modernisation des infrastructures, afin de créer des emplois et retenir les talents. La Moldavie peut et doit vaincre la désinformation et avancer avec détermination sur la voie de l'Union européenne.
Une interview réalisée par Laurence Aubron.